10 Septembre 1807

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Containing one of numerous addresses to the Haitian people warning them against the “seductions” of the “so-called Senate at Port-aux-Crimes” (Port-au-Prince), the issue ends with an epigram called, “Le Diable Au Corps,” which spells out the words “SÉNAT.” The very first words of the opening verse gives some idea of the tenor of the rest of the poem with respect to its representation of the leader of the government of the southern Republic of Haiti, “Satan, firebrand of hell….”

*Provenance: British Library

(Page 145 of microfilm)

(  N u m é r o   19.  )

                                                                                                                                                           

GAZETTE OFFICIELLE

d e

L’ É T A T   D ’ H A Y T I,

Du  J e u d i  10  Septembre 1807 , l’an quatrième de l’indépendance.

                                                                             

Chaque Peuple , à son tour , a brillé sur la terre.

Voltaire , Mahomet.

                                                                                                                   

E  T  A  T    D ’  H  A  Y  T  I.

                             

Suite  de  la  Réfutation  de  l’Adresse

du prétendu  S é  n a t  du Port-aux-

Crimes , en date du 1er Juillet 1807.

« Ces hommes cherchent les moyens

» de vous séduire ».

Observation.  A cette allégation , on ne peut retenir le sourire de mépris et d’indignation qu’elle excite. Qu’elles sont à plaindre ces innocentes créatures qui redoutent les dangers de la séduction ? Quoi ? il s’agit de votre arme favorite , et vous affectez des craintes , vous qui en êtes les artisans les plus raffinés , et qui avez fait de votre repaire un véritable arsenal de perfidies ?

« Mais ouvrez votre Constitution ».

Observation. Ramas indigeste et grossier de tout ce que l’imagination en délire peut enfanter de plus incohérent et de moins applicable aux localités , aux mœurs et aux caractères des habitans de l’île ; en effet ces ressorts multipliés , ces corps populaires , sont autant d’inventions imaginées pour pressurer et opprimer les citoyens ; et de toutes les manières d’opprimer et de pressurer , celle qui se fait au nom de la loi est la plus révoltante ; aussi qui prononce , de nos jours , le nom de sénat retrace le souvenir de la caverne de Cacus ?

      « Étudiez vos Lois ».

Observation.  Je doute qu’elles ayent beaucoup coûté au cerveau créateur de ces charlatans; leur ensemble n’offre au con-contraire [sic] qu’une compilation mal digérée , revue , amplifiée , corrigée par des falsificateurs , puis sanctionnée par le grand maître de leur ordre , auquel Dieu fasse paix et miséricorde le plus promptement possible !

« Là vous trouverez une réponse prête à toute trompeuse induction ».

      Observation.  Voilà des lois bien complaisantes , qui renferment la solution de tous les problèmes ! Gloire soit rendue à ces immortels législateurs , qui ont tout prévu , tout calculé , dans le meilleur code de lois possible ! Si cette assertion n’est pas de l’exactitude la plus rigoureuse , au moins y voit-on peints au naturel leurs sentimens de présomption et de vanité ? Rassurez-vous peuple , vos législateurs sont là…. , qu’aucun théorème ne vous embarrasse ; vos lois sont là…. ; que c’est beau ! que c’est énernique ! Non , jamais les Démos-

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thène , ne se sont doutés de ce sublime ; jamais les Ciceron n’ont approché de ce langage éloquent.

« Examinez vos Lois , et vous verrez que le Sénat n’a jamais eu pour objet que le bonheur du

» Peuple. C’est pour le Peuple seul qu’il a voulu travailler ; il n’a voulu favoriser ni le passions,

» ni les intérêts d’aucun individu ».

Observation.    Que cette morale est touchante ! Comme elle retrace avec dignité les sollicitudes , la pureté et l’impartialité de ces pères de peuple ! Mais les cœurs qui l’ont dictée sont-ils bien d’accord avec la plume qui l’a tracée ? Oui sans doute ; et ils n’ont pas même besoin de chercher à justifier leurs louables intentions ; quand ils n’en parleraient pas , la Renommée , toujours équitable , prendrait soin de le publier.  Cette Déesse officieuse , qui n’est qu’un composé d’yeux et d’oreilles , qui sans cesse embouche la trompette , ne nous a-t-elle pas déjà fait le récit de leurs belles actions ? Ne savons-nous pas que le sénat s’est tellement identifié avec les citoyens , qu’il considère leurs moyens comme les siens propres ? N’avons-nous pas appris que de cette heureuse identité , il est résulté que le bien de la république est devenu aussi le sein ? N’est-il pas évident que les écus qui s’engloutissent dans ses coffres y sont si précieusement conservés , qu’on est tenté de dire de ce nouveau gouffre , ce que certain renard disait de l’autre du lion : « Amis , je vois bien les traces de ceux qui y entrent , mais je ne vois

» pas vestige de ceux qui en sortent ». Au reste l’impartialité de cette clique ne saurait être contestée ; il est appert qu’elle n’a élevé aux premières dignités que ceux qui y étaient naturellement appelés par leurs long services et leur fidélité inviolable à la cause de la liberté. On ne peut révoquer en doute que ses premiers pas dans la carrière n’ayent annoncé ce qu’elle était dès-lors , ce qu’elle avait été et ce qu’elle serait un jour. N’a-t-on pas vu ces hommes probes et loyaux , après avoir proclamé la vraie liberté , tourner des yeux de crocodile vers celui qui devait nécessairement succéder à l’empire , et le conjurer de se rendre au milieu d’eux , pour , à l’imitation des anciens , le porter sur leurs boucliers. ( Au bout de leurs piques ont-ils voulu dire)? Mais celui – ci qui n’aime pas cette manière de voyager , et qui passe pour un vieux prévôt de salle , s’était déjà mis en garde contr’eux. La suite a vérifié que ces précautions n’étaient pas inutiles ; car les députés du Nord, à leur rentrée dans leurs foyers, nous ont rapporté que plusieurs personnes notables du Port-aux-Crimes , leur avaient assuré que si S. E. le Président et Généralissime des forces de terre et de mer de l’Etat d’Haïti, pour lors Général en Chef de l’Armée, eût accédé à leurs pressantes sollicitations, ses tigres altérés de sang , eussent envoyé ses mânes joindre ceux de son prédécesseur.

« Et si le Sénat pouvait avoir quelques détracteurs ».

Observation.  Ceux qui abhorrent ce sénat et le vouent à l’anathème , ne sont pas des détracteurs , mais de justes appréciateurs de sa diabolique institution et de ses œuvres infernales.

« Citoyens , demandez-leur dans quel Acte il n’a pas stipulé vos intérêts , et dan quelles Lois

» la justice la plus stricte et la morale la plus saine n’en ont pas été les bases » ?

Observation.  Induction fausse et artificieuse , qui ne diffère en rien de ces fruits dont les dehors sont séduisans , et dont l’intérieur est véreux. Qu’importe en effet que des actes vains ayent consacré les droits et les intérêts du peuple , si le gouvernement par pusillanimité ou par impuissance les laisse violer impunément ? A quoi bon des préceptes de morale et d’équité , lorsque la corruption la plus dépravée mise à l’ordre du jour par les législateurs , s’échappe de leur sein pour aller empoisonner tous les âges et infecter tous les conditions ? Lorsque l’in-

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justice , dont les sénateurs donnent les premiers l’exemple , devenue pour la société une vertu à la mode , dépouille la veuve et l’orphelin , paralyse l’industrie , accable le faible , obstrue les canaux de la prospérité publique et en pompe les tributs avec une telle aspiration , qu’elle intercepte les ressources mêmes de l’indigent aux abois.

« La Religion a été mise en honneur , l’imposition du quart supprimée ».

Observation. Hé ! ne sait-on pas que les tyrans et les usurpateurs sèment toujours de quelques fleurs le commencement de leur règne , et affectent , en débutant , quelque ombre de vertus ? Voilà les degrés perfides qu’ils préparent pour arriver au faîte où tend leur ambition ! Mais ils ignorent qu’une vertu factice une fois parvenue à un tel degré d’élévation , ne peut long-temps s’y maintenir. Placés , comme en spectacle , au haut d’une pyramide élevée à grands frais , tous les regards sont fixés sur eux , aucune de leurs actions ne peut – être dérobée à l’attention générale , le moindre geste est expliqué , le moindre son de voix interprété , et leur silence même est signifiant. Qu’ils frémissent d’éprouver le sort du téméraire Icare ? Plus leur vol est audacieux, plus leur chute sera épouvantable.

Ce serait bien en vain que ces monstres d’impiété voudrait anéantir le culte des chrétiens ; ces caractères sacrés qu’un Dieu a profondément graves dans nos âmes, ne sauraient s’effacer ; ouvrages du Très haut , ils sont , comme lui , au-dessus du temps , des âges et du pouvoir des hommes.

Sous quels dehors insidieux ils savent déguiser les véritables motifs qui déterminèrent leurs opérations ? S’il faut les en croire sur l’article du quart de subvention , on dirait qu’ils n’ont eu pour but que d’alléger le fardeau des agriculteurs ; point du tout ; la véritable cause qui leur a dicté la suppression de cet impôt , c’est le danger qu’il y aurait pour eux , l’impossibilité même où ils sont aujourd’hui de ne point abroger cette mesure , dont ils se sont servis si avantageusement sous le règne précédent , soit pour exciter les murmures , soit pour provoquer la rébellion.

« L’imposition sur l’industrie ne force-t-elle pas les Citoyens des Villes à venir au secours de

» l’Etat ? Favorisés par le commerce , ils ne s’occupaient qu’à grossir leurs fortunes , tandis

» que les malheureux des Campagnes contribuaient seuls à maintenir un Gouvernement dont les

» Citadins ne partageaient point le fardeau ».

        Observation.  Garre à la bombe ! capitalistes , négocians et spéculateurs ! Garre à la bombe ! propriétaires des cités ! vous l’avez entendu cet arrêt ; il est irrévocable. C’est sur vous qu’on va s’indemniser du vide qu’a occasionné la disparition du quart de subvention. Ainsi , vous le voyez , vous n’avez échappé à Carybde que pour tomber en Scylla. Que j’aime le bonhomme Lafontaine , qui a su si bien pronostiquer le sort de ces ambitieux , toujours mécontens , et avides de nouveautés , dans la fable intitulée les Grenouilles qui demandent un Roi! A force de coasser , ces immondes crapauds forceront , le ciel irrité , de leur envoyer l’hydre qui doit les dévorer tous.

« Le Commerce est protégé. La Loi sur l’Administration et les Douanes les facilitent , et met

» l’Etat à même de conserver ses ressources en détruisant les abus ».

Observation. Le moyen de ne pas chercher à favoriser les relations commerciales , lorsque leurs intérêts privés le commandent si impérieusement ! Nous n’ignorons pas que l’administration et les douanes , toute deux tributaires du sénat , s’entendent parfaitement avec lui sur les opérations mercantiles , et s’acquittent de leurs honorables fonctions , à la grande satisfaction des parties intéressées. Si par fois ces voleurs en chef rognent les ongles de quelques fripons subalternes et

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non privilégiés , c’est pour qu’à leurs dépens , les leurs s’allongent et profitent.

« La Loi sur la police tend assurer vos Personnes et vos Propriétés ».

Observation.  On voit par ce que j’ai dit plus haut sur le peu de sûreté et de garantie dont on jouit sous leur gouvernement , combien cette loi est insuffisante et combien ils sont loin de pouvoir exercer la puissance répressive ? Et puis fiez – vous aux discours mielleux de ces débiteurs d’orviétan.

La Suite au Numéro prochain.

                                                           

A   R    R   Ê   T   É

H E N R Y   C H R I S T O P H E ,

Président et Généralissime des forces de terre et de mer l’Etat d’Haïti.

Considérant qu’il existe de grandes difficultés entre les particuliers , dans l’échange , par la quantité de petites monnoies de diverses sortes , répandues dans le public , et mises en circulation sans l’autorisation du gouvernement.

Qu’il est nécessaire de retirer ces pièces , et de les remplacer par une monnoie uniforme et avouée du gouvernement , et dont le type ôte aux contrefacteurs les moyens de fraude ,

Avons arrêté et arrêtons ce qui suit:

Art. 1er. Il sera frappé des pièces de monnoie en argent , de la valeur et du poids de deux escalins , d’un escalin et d’un demi – escalin. Ces pièces porteront sur la face la figure de la liberté , la valeur de la pièce et le millésime , avec l’inscription Monnoie d’Haïti , et sur le revers le chiffre du président , surmonté d’une couronne de laurier , et pour inscription : Libertas , Religio , Mores.

  1. L’émission de ces pièces aura lieu à commencer d’aujourd’hui.
  2. Il sera loisible aux particuliers qui ont des doubles escalins , escalins et demi-escalins , dont l’empreinte est effacée , de les apporter à la fabrique de la monnoie , pour en faire l’échange pour la monnoie nouvelles ; celles de ces pièces qui seront du poids requis , seront échangées pour des pièces de la même valeur ; les autres seront reçues au poids , à raison de dix escalins l’once. Il est défendu , sous peine de confiscation , de les faire circuler.
  3. Les autres pièces de monnoie , autres que les doubles escalins , escalins et demi-escalins , désignés dans l’article ci-dessus , et qui conservent leur empreinte , continueront à avoir cours et à être reçues dans l’échange , comme par le passé , pour leur valeur ordinaire.

Le présent arrêté sera imprimé , lû , publié et affiché par tout où besoin sera.

Donné au palais du Cap le 2 Septembre 1807 , l’an quatre de l’indépendance.

H E N R Y   C H R I S T O P H E.

Par le Président ,

R o u a n e z  jeune , secrétaire d’Etat.

                                                           

V  A  R  I  É  T  É  S.

L E   D I A B L E   A U   C O R P S.

É   p   i   g   r   a   m   m   e.

Satan , tison d’enfer , aux pieds , à l’esprit tors ,

Établit las ! ici son engeance maudite !

Ne pouvant mieux loger son souffle et ses recors ,

Au sein des Sénateurs il courut prendre gite.

Tout Sénat , de tout temps , eut donc le Diable au corps ! ! !

                                                                                                                                               

A  V  I  S    D  I  V  E  R  S.

M. Prescott , capitaine du briq Ann , de Londres , prévient de ne point faire crédit aux Matelots dudit briq , attendu qu’il ne payera pas leurs dettes.

On vend à l’Imprimerie l’Alphabet pour apprendre à lire , des Cantiques spirituels , le Catéchisme pour faire la Communion , le Saint Suaire de Notre – Seigneur , et la Neuvaine à saint Antoine de Padoue.

                                                                                                                                                           

Au Cap , chez  P.  R o u x , imprimeur de l’Etat.

3 Septembre 180717 Septembre 1807

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