12 Juin 1816

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A fascinating letter from Baron to Vastey to General Jérôme-Maximilien Borgella dated December 1815 is reprinted in this issue of the Gazette. The letter begins by reminding Borgella, who was a general in the Haitian army and fought in the war of independence, about the parties that he and Vastey evidently attended together at the home of Boisrond Canal during Dessalines’s rule of the country. Vastey suggested that Borgella, who briefly commanded over the southwestern part of Haiti after General André Rigaud’s death in 1811, might want to join the Kingdom of Hayti. Vastey thought this personal appeal might succeed since according to him, Borgella had been himself betrayed by Pétion like so many other men from the southwest part of Haiti, including in Vastey’s estimation, Generals Magny, Yayou, and Gérin. Vastey even insinuated that Rigaud’s death wad orchestrated by Pétion, whom Vastey refers to as Rigaud’s “friend.” A similar letter from Baron Dupuy to General Bazelais, urging the latter to immediately write to Christophe and pledge his loyalty to the monarch, completes the issue.

*Provenance: American Philosophical Society

 

LIBERTÉ, INDÉPENDANCE, OU LA MORT

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Gazette Royale d’Hayti,

Du 12 Juin 1816, treizième année de l’indépendance.

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L’Union fait la Force.

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Du Cap-Henry, le 11 Juin.

Le Roi, notre très-auguste et tres grâcieux souverain, qui nous gouverne avec cet esprit de sagesse, de clémence et de justice, convaincu que dans les guerres civiles, autant que possible, les mesures et les démarches conciliatoires doivent être mises toujours et par préférence en avant, plutôt que la ressource des armes qui doit être employée qu’à la dernière extrémité , pour éviter l’effusion de sang, et qu’il est toujours plus avantageux et plus honorable de s’entendre pour en venir à une bonne fin, plutôt que de livrer des combats, où il ne peut exister de véritable gloire, puisque le parti victorieux est obligé de pleurer sa victoire sur le champ de bataille, en déplorant la perte des vaincus. Pénétrée de ces grandes vérités, et mue de ces sentiments magnanimes, Sa Majesté a toujours fait tous ses efforts personnellement, pour éteindre sans effusion de sang nos dissentions civiles, et par ce principe, elle a autorisé ses fidèles sujets de faire chacun de leur côté des efforts pour atteindre cet heureux résultat.

En conséquence, une infinité de lettres ont été écrites par les dignitaires du Nord, aux personnes notables du Sud et de l’Ouest; comme nous avons la certitude que Pétion a intercepté toutes ses lettres, pour les empêcher de parvenir à leurs adresses, et comme tout haytien est comptable envers son pays et envers la postérité, des efforts qu’ils ont pu faire pour éteindre nos dissentions civiles, et qu’un jour on leur en demandera compte. Nous allons donner toute la publicité possible à ces lettres, tant pour la satisfaction de ceux qui les ont écrites, que pour ceux auxquels elles ont été adressées, et qui n’ont pu leur parvenir par les causes ci dessus énoncées

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ROYAUME D’HAYTI.

A Sans-Souci, le 28 Décembre 1815, l’an douzième da l’indépendance.

LE BARON DE VASTEY,

Chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint Henry, Secrétaire du Roi, Membre du Conseil Privé, Précepteur de Son Altesse Royale Monseigneur le Prince Royal,

A Son Excellence le Général de Division
BORGELLA, etc.

Général,

Depuis long-temps je désirai pouvoir m’entretenir avec vous sur un sujet de la plus haute importance, le défaut d’une bonne occasion m’en a toujours empêché.

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Avant que de rentrer en matière, sur le principal objet de ma lettre, je dois vous rappeller et vous vous en ressouvenez sans doute des parties de jeux que nous avions coutume de faire, chez l’ami Boisrond Canal, pendant les voyages de feu le Ministre des Finances Vernet. La franchise de votre caractère, et votre désintéressement avaient fixé entièrement mon estime et mon attachement pour vous; je crois également avoir acquis votre amitié et votre bienveillance.

Voici maintenant le sujet intéressant qui me porte à vous écrire; avec le cœur généreux que je vous connais, vous ne pouvez voir sans une extrême douleur notre chère patrie en proie aux fureurs de la guerre civile et aux déchiremens des partis, et lorsque j’ai la certitude que vous pouvez contribuer puissamment à les faire cesser, je me félicite d’avance que vous me prêterez votre attention, et que vous embrasserez les grandes considérations que je vais vous mettre sous les yeux.

L’ambition désordonnée d’un seul homme a tout perdu. Le général Pétion, sous le masque de sa monstrueuse hypocrisie, a attiré sur nos têtes tous les malheurs, uniquement pour satisfaire ses projets ambitieux. Je n’aurai pas de peine à vous le démontrer, puisque vous même vous êtes une des victimes de son atroce machiavélisme. D’ailleurs, quel est l’homme aujourd’hui qui serait assez de mauvaise foi, pour douter d’un seul instant que le général Pétion n’est qu’un ambitieux qui a tout sacrifié, honneur, patrie, amis ou ennemis, pour parvenir au souverain pouvoir, sa vie entière et ses actions le prouvent?

Vous êtes témoin, Général, des moyens perfides qu’il a employés pour allumer la guerre civile, afin d’avoir le prétexte de saisir des rênes du gouvernement qui étaient dévolues au Roi, par le peuple et par l’ancienneté de ses services.

Vous êtes témoin, comment il a eu l’atrocité de se défaire de tous les chefs qui avaient servis d’instruments à ses passions, en les faisant égorger les uns par les antres; c’est ainsi qu’il détruisit les généraux Yayou, Magloire et Gérin; et quelle preuve encore plus convaincante voulez vous avoir de l’excessive ambition du général Pétion, que sa conduite envers le général Rigaud son ami? Ne l’aurait-il pas fait massacrer dans son propre gouvernement, sans l’assistance et les prompts secours que vous lui avez donnés?

Depuis la mort du général Rigaud, quelle a été la conduite de Pétion envers les hommes du Sud les plus marquans? Je vous prends pour juge; tous ces faits sont notoires; vous connaissez leur véracité; ils vous démontrent assez quels sont les sentimens affreux du général Pétion envers ses concitoyens et son pays.

Mais ce n’est pas là tous ses crimes! examinez, je vous prie, Général, l’horrible scandale que le général Pétion a donné au monde par sa conduite abominable envers le peuple et le Roi, chef et père de la grande famille Haytienne.

Lorsque nous fûmes menacés d’une extermination totale par nos tyrans, si nous ne nous soumettions sous leur joug odieux; quelle a été la conduite du général Pétion?

N’a-t-il pas eu l’impudeur de marchander par écrit la liberté de ses frères et l’indépendance de son pays? et avec qui encore? avec un vil espion qui a eu l’effronterie de lui écrire que le peuple haytien serait traité comme des sauvages malfaisans et traqués comme des nègres marrons: dans cette honteuse négociation, n’aurait-il pas livré le peuple à la discrétion de ses bourreaux, s’il n’avait pas craint de compromettre sa sécurité et son existence? Lisez ses écrits, ce sont ses propres expressions.

Vous avez été témoin, Général, des démarches paternelles que Sa Majesté, notre auguste Souverain, a constamment faites pour opérer la réunion des haytiens de tous les partis et de toutes les couleurs, pour n’en former qu’un peuple de frères, unis par les liens du sang et par les intérêts les plus chers. En envoyant au Port-au-Prince une députation composée d’hommes sages, Sa Majesté avait tout lieu d’espérer que ses offres justes et généreuses eussent été accueillies; l’humanité, la justice, la raison, nos intérêts communs l’exigeaient impérieusement. Quoi! un peuple de frères, fait pour s’entr’aimer, se chérir, uni par les mêmes infortunes, ayant les mêmes ennemis à combattre, la même cause à défendre, parcourant la même carrière, devrait-il se déchirer éternellement? Le Roi avait donc tout droit d’espérer que si ses offres, sages et pacifiques, n’eussent pas été accueillies de suite, au moins elles eussent amené les choses à une explication amicale, où tous les obstacles eussent été applanis, ce qui aurait accompli le vœu général, le vœu de la réconciliation; mais le général Pétion, comme un

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insensé, un furieux, guidé par son ambition, s’empressa de repousser les bienfaits du Roi, par des outrages sanglans; il vit avec horreur un événement qui eut couronné notre bonheur et mis le comble à l’allégresse générale.

Rien donc ne peut émouvoir ce cœur gangrené par l’ambition; il ne s’est pas contenté de fouler à ses pieds, les lois de dieu et de la justice, de l’humanité et de la raison; il a voulu encore, par des injures, des mensonges et des calomnies les plus atroces, rallumer les haines et fermer pour jamais les voies de la réconciliation entre les haïtiens. Mais le crime et le mensonge ne peuvent être durables; la vérité, une cause juste, triomphent tôt ou tard; la réunion aura lieu malgré ses artifices.

C’est pour opérer un œuvre aussi désirable que je vous écris cette lettre, lorsque vous pouvez, Général, nous seconder à éteindre nos dissentions civiles sans effusion de sang; lorsque vous pouvez contribuer à faire le bonheur de vos semblables. Je ne doute pas, d’après ce que je suis instruit sur vos sentimens, que ces grandes considérations ne vous fassent tout entreprendre pour le salut de notre pays.

Je sais que vous êtes sans ambition; je connais votre désintéressement, vous en avez donné de grandes preuves; mais l’homme de bien vit-il pour lui seul? Peut-il être insensible au malheur public?

Avant tout, il se doit au bonheur de ses compatriotes, qu’il est beau! qu’il est glorieux d’être utile à sa patrie!

Je ne puis rien vous dire davantage pour émouvoir votre cœur; j’espère que vous me donnerez de vos nouvelles, je me félicite d’avance de pouvoir les recevoir.

J’ai l’honneur d’être,

Mon cher Général,

Votre très-humble et très-affectionné compatriote,

Baron DE VASTEY.

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ROYAUME D’ H A Y T I.

Au Cap-Henry, le 10 Janvier 1816, l’an 13 de l’indépendance.

LE BARON DE DUPUY,

Chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint Henry, Secrétaire interprète du Roi, Membre du Conseil Privé,

A Son Excellence Monsieur le général de division BAZELAIS.

Général,

Si je n’avais pas été assuré que la personne chargée de ma lettre vous eut remise la présente confidentiellement, je ne vous l’aurai pas écrite, de crainte de vous compromettre et de vous exposer aux ressentimens de Pétion, et de venir, comme tant d’autres braves haytiens, victime de la jalousie de cet homme dévoré d’une ambition et d’une perfidie que la soif de dominer peut seul allumer.

Mon but, Général, en vous écrivant est de vous rappeller de ce que vous étiez lorsque vous signâtes l’acte de notre glorieuse indépendance et ce que vous êtes maintenant, en servant sous le traître qui ne vise qu’à l’anéantir.

Vous seriez-vous jamais douté, Général, que Pétion aurait trahi l’amitié et la confiance que feu l’Empereur avait en lui, en se rendant le premier instrument de sa déplorable mort? Auriez-vous pu jamais pensé qu’il aurait conspiré contre son chef qui l’avait comblé de bienfaits, et qui l’avait élevé à la place dont il s’est prévalu pour oser disputer au Roi le titre de chef suprême d’Hayti, et pour sacrifier successivement tous ceux qui pouvaient s’opposer à ses projets ambitieux et criminels?

Cependant c’est ce qui est arrivé, et vous n’avez été épargné que par une espèce de miracle, et après avoir végété au Port-au-Prince, sans emploi et sans fortune, il lui a plu de vous reléguer dans un bout de l’île où vous ne pouvez pas même vous communiquer par terre pour lui demander compte de ce qu’il entend faire en perpétuant la guerre civile, et en exposant ainsi des haytiens a se déchirer les uns les autres; vous ne recevez que des nouvelles qui lui plaît de faire circuler; tantôt il fait courir le bruit qu’on a tué tous les haytiens du Sud qui sont ici, ensuite

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Il dit que nous sommes sans troupes et sans argent, que nous sommes dans la misère ; il publie des insultes contre le Roi, notre bien-aimé souverain; il cherche à le provoquer pour faire encore couler le sang haytien, il ne se réjouit qu’à cela; mais toutes ses manœuvres sont devoilées. Sa Majesté ne veut pas voir couler le sang de ses enfans, il en est avare; Sa Majesté voudrait voir tous les haytiens réconcilier et les voir jouir paisiblement du fruit de leurs travaux. Je vous connais, Général, je connais la haine que vous portez à nos bourreaux, aux français; j’ai été témoin de la manière que vous les avez traités quand nous leur faisions la guerre, et je n’ai jamais pu concilier cette conduite exemplaire de votre part avec le parti des français que vous servez sous les ordres du traître qui les reçoive, les accueille et marchande avec eux la liberté et l’indépendance que nous avons conquises. Je vous rends cependant la justice de croire que vous n’êtes point initié dans le secret machiavélique de cet agent des français, j’en ai souvent parlé au Roi, et Sa Majesté ne peut la croire non plus; cependant vous ne pouvez continuer dans cet état qui ne vous présente qu’une fin malheureuse, d’une manière ou d’autre, soit en continuant de perpétuer la guerre civile, soit en tombant sous le fer des français, et en outre vous devez craindre que ces braves troupes que vous guidez ne vous demandent compte d’avoir contribué à leur ruine, tandis que vous pouvez, en écrivant au Roi, conserver votre grade, vos emplois et de ceux qui sont sous vos ordres, et d’en obtenir d’autres en travaillant à rétablir la tranquillité et à restaurer la culture, etc. et si vous ignorez toutes les ouvertures pacifiques qu’à faites Sa Majesté au peuple de parties de l’Ouest et du Sud, pour les engager à l’union et à l’oubli du passé, afin de nous embrasser comme des frères, je vous adresse diverses pièces qui vous mettront à même de juger combien il serait glorieux pour vous de participer au rétablissement de l’union et de la tranquillité, en vous jetant dans les bras de notre bon Roi, et qui vous accueillera aussi bien que tous ceux qui sont avec vous; vous verrez, les intentions paternelles du Roi bien prononcées de faire cesser la guerre civile et de tout employer pour en venir à une réconciliation sans déplacer personne; les intérêts, de tous les haytiens l’exigent; l’humanité et la raison le commandent; lisez avec attention les pièces que je vous envoie, vous verrez la trahison de Pétion envers ses concitoyens pour soumettre la partie sous son commandement sous le joug des français, et les offres de notre Roi pour la réunion générale des haytiens; faites-en part à nos frères de Jérémie; éclairez les sur leurs vrais intérêts, afin que cette malheureuse guerre civile cesse, et que vous vous embrassiez avec M. le comte de Jérémie et que vous travaillez à rétablir la culture et l’a voir fleurir comme ici, et voir l’abondance se répandre parmi les militaires et les agriculteurs. Ne vaudrait-il pas mieux pour vous, Général, de rétablir l’ancienne considération dont vous jouissiez, comme un des haytiens qui a le plus contribué à l’édifice de l’indépendance? N’auriez-vous pas plus d’honneur à contribuer à la pacification générale, qu’à vous opiniâtrer à garder un point où vous êtes privé de tout, même du nécessaire, pour faire la guerre à votre propre sang, et diminuer la force des bras qui doivent défendre vos droits envers les blancs français, qui sont nos plus cruels ennemis et qui ne cessent de conspirer contre Hayti pour tous nous détruire? Si vous étiez aussi instruit que nous le sommes ici des projets de Pétion avec les ex-colons, vous frémirez du sort qui vous attend; déjà nous avons la certitude qu’il est arrivé à Cube beaucoup d’ex-colons de la partie de Jérémie qui attendent le moment favorable de rentrer dans cette ville; dites-moi si vous qui les avez si maltraités, vous pourriez leur donner la main et les garder dans votre sein; non, certes, je ne puis le croire, il vous suffit de l’exemple de Verret blanc, épargné par l’indulgence de feu l’Empereur, qui lui a porté un des premiers coups mortels.

Ecrivez donc à notre bien-aimé Souverain, et envoyez près de lui un de vos aides de camp avec une députation des militaires et habitans, je vous assure qu’ils seront bien accueillis, et une pareille entreprise est aussi honorable pour vous, qu’elle est humaine, puisque vous contribuerez à éteindre cette malheureuse guerre civile, objet de la sollicitude et du plus grand désir de Sa Majesté.

Recevez les assurances de ma considération et du respect avec lesquels,

Je suis, Général, votre très-humble et très obéissant serviteur,

DE DUPUY.

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Au Cap-Henry, chez P. Roux, imprimeur du Roi.

 

6 Juin 181617 Juillet 1816

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