12 Novembre 1807

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Reporting on President Christophe’s November 7th visit to the capital, Cap-Haïtien, after a considerable absence, we learn that Christophe entered the city to cheers, flowers, and cries of “Vive Henry!” Juste Hugonin’s letter to the president, addressed “Monseigneur,” rounds out the issue, demonstrating the writer’s utmost veneration for the “invincible Henry,” whom he says the Haitian people will “always bless, cherish, and respect.”

*Provenance: British Library

(  N u m é r o   28.  )

                                                                                                                                                           

GAZETTE OFFICIELLE

d e

L’ É T A T   D ’ H A Y T I ,

Du  Jeudi  12 Novembre 1807 , l’an quatrième de l’indépendance.

                                                                             

Chaque Peuple , à son tour , a brillé sur la terre.

Voltaire , Mahomet.

                                                                                                                  

Suite de Coup-d’OEil politique sur

l’Etat actuel de l’Europe.

LE don de la Hanovre , reçu des mains du grand distributeur de principautés et de royaumes , lui avait attiré ces deux ennemis. Buonaparté profita de cette occasion pour demander , ou plutôt pour commander la cession de quelques villes ou territoires prussiens qui lui convenaient. Il voulut en disposer à son gré ; il désigna leurs nouveaux maîtres , affecta une domination si impérieuse à l’égard de la Prusse, et mit , à dessein , si peu de ménagemens dans ses procédés , qu’elles s’aperçut enfin qu’elle n’avait obligé qu’un ingrat , et que sa propre indépendance était menacée , c’était une vérité sentie trop tard ; et à cette première erreur si funeste , elle ajouta celle de croire qu’elle possédait seule assez de forces pour intimider et arrêter , dans ses projets , cet impérieux Corse , qui avait alors à ses ordres la France , l’Italie et une grande partie de l’Allemagne ; elle prit donc un langage menaçant , rassembla à la hâte ses armées où le jacobinisme français avait déjà pénétré , surtout parmi les officiers ; les fit avancer sur les frontières méridionales de la Saxe , et publia un manifeste dans lequel elle reprochait à son ennemi l’assassinat du duc d’Enghein , la violation du droit des gens , l’ingratitude dont il payait tous ses services passés , et la domination tyrannique exercée sur l’Europe entière. Frédéric IV terminait enfin cette pièce , aussi folle dans ses menaces qu’humiliante dans ses aveux , par une déclaration de guerre à jour fixe , à moins que l’armée française n’évacuât l’Allemagne et ne se retirât dans ses frontières. A l’appui d’un tel manifeste , il aurait fallu une armée de quatre cent mille hommes , et le génie du Grand Frédéric ; mais ni l’un ni l’autre , malheureusement pour l’Europe , n’étaient un pouvoir du cabinet de Berlin ; et voilà précisément ce que Buonaparté désirait le plus ; une querelle avec la Prusse , qui ne pût se vider qu’à l’épée.

Le cabinet révolutionnaire des Tuileries , toujours fidèle au principe de semer et de nourrir la discorde parmi les souverains , de les désunir pour les combattre, et de les détrôner successivement , n’ignorait pas que la neutralité de la Prusse et sa politique étrange pendant la dernière guerre , avaient irrité contre elle tous les cabinets de l’Europe ; puisqu’elle était

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isolée , le moment de la détruire était arrivé. En effet , à peine avait elle eu le temps de se raccommoder avec l’Angleterre , et d’implorer quelques secours de la Russie , comme alliée , que son armée fut attaquée et mise en déroute à Jena. Rien n’avait été préparé pour sa retraite  en cas d’échec ; les places fortes étaient presque entièrement dépourvues ; et les divisions prussiennes , qui échappèrent au carnage de cette journée , s’enfuirent de tous les côtés , soit parce que elles avaient été coupées , soit parce qu’il n’y avait ni corps de réserve auquel elles pussent se réunir , ni de lieu désigné pour servir de point de ralliement. Les français poursuivirent leurs ennemis dans toutes les directions , et ils le firent avec d’autant plus d’avantage , qu’ils étaient supérieurs en nombre ; et que , suivant leur coutume , ils avaient tourné l’armée prussienne avant de l’attaquer : les portes de Berlin leur furent ouvertes , et plus de 50 lieues de pays furent le fruit de cette première bataille.

Cependant tout n’était pas perdu , malgré les fautes et les trahisons dont le roi de Prusse fut alors la victime ; il se retira , toujours poursuivi , d’abord sur l’Oder , et bientôt sur la Vistule , où la Russie accourait à son aide. Là , Buonaparte commença à éprouver quelque résistance ; le terrain lui fut dispute pied à pied ; jusqu’à ce qu’enfin la rigueur de l’hiver , la difficulté de se procurer des vivres , et l’augmentation de l’armée russe le forcèrent de s’arrêter. Il se trouvait alors à Varsovie , à trois cens lieues de sa capitale ; dans un pays où ses exactions et ses contributions arbitraires le rendaient odieux ; où la mémoire du libraire Palm , qu’il avait assassiné , criait vengeance. Il avait en front une armée capable de lui résister s’il voulait avancer davantage , et de le poursuivre s’il voulait rétrograder ; une armée suédoise , facile à augmenter , était sur ses derrières , dans la Poméranie , tandis que des insurrections nombreuses s’élevaient contre lui de toutes parts dans la Westphalie , la Hesse et la Prusse méridionale. Certes , il était dans une position très – périlleuse , et parfaitement semblable à celle où il s’était trouvé l’année précédente , avant la bataille d’Austerlitz. La Russie , la Prusse, l’Angleterre et la Suède étaient coalisées contre lui : son entière destruction et le salut de l’Europe dépendait du parti que prendrait la mai on d’Autriche dans cette lutte formidable . L’empereur François II avait à venger les injures personnelles qu’il avait reçues de Buonaparté , à réparer les pertes qu’il avait éprouvées , à rentrer dans les places fortes qu’on lui avait enlevées, à replacer son beau – père sur le trône de Naples , qu’un Buonaparté avait envahi ; à reconquérir le territoire et l’amour des tyroliens , peuple si fidèlement attaché à ses anciens maîtres ; à détruire enfin un sujet révolté qui l’avait humilié et presque detrôné. L’occasion était favorable , pour ne pas dire infaillible. Quatre-vingt mille hommes attaquant l’armée française par la Bohême , la plaçaient entre deux feux , et lui ôtaient la possibilité de sauver un seul de ses soldats , surtout dans un pays où tous les partis étaient exaspérés contre ces nouveaux tyrans. Les principes d’une politique sage et bien entendue ; la raison , la justice , l’honneur , et l’intérêt même du cabinet de Vienne , tout semblait assurer à l’Europe inquiète et opprimée , que le moment de sa délivrance était venu. L’empereur d’Allemagne , disait – on , va reprendre son titre et remonter au premier rang des puissances ; il va procurer à ses peuples une paix solide , en renversant du haut de son trône de sang , le perturbateur de l’ordre social , et l’oppresseur des nations. Mais cette politique était trop simple dans ses vues , trop raisonnable dans ses projets , trop généreuse dans ses procédés ,

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pour devenir celle du cabinet de Vienne. Quelques politiques plus clairvoyans sur le caractère de ce cabinet , disaient au contraire : l’évangile , la raison , et son propre salut le lui défendent ; elle rendra à la Prusse , œil pour œil , dent pour dent : l’impolitique et cruelle loi du talion deviendra sa règle de conduite ; elle abandonnera à la fureur du tigre impérial , celle qui , l’année précédente , pouvait la délivrer du même carnage , et ne le voulut pas ; enfin , elle verra sa rivale humiliée , affaiblie , comme elle-même , par l’ennemi commun. Sa jalousie et sa vengeance seront satisfaites et ces deux sentimens la consoleront de ses pertes passées , et l’aveugleront sur son anéantissement futur.

Telle est en effet la politique qu’a suivie l’Autriche dans cette dernière guerre ; elle a perdu l’occasion de sauver l’Europe , d’y rétablir la paix et l’indépendance ; et sa majesté impériale , François II , pourrait dire aujourd’hui à sa majesté prussienne : » Je vous ai rendu , mon frère , cette année ci , la neutralité que vous m’aviez prêtée l’année dernière. La bataille de Friedland vous a procuré la paix aux mêmes conditions que je l’ai obtenue après la journée d’Austerlitz. Vous avez vu mon humiliation et mes pertes avec une satisfaction secrète ; et je vois sans chagrin les vôtres , qui sont encore beaucoup plus grandes , et peut – être plus difficiles à réparer ».

                                                            La suite au Numéro prochain.

                                                                                                                                                           

E  T  A  T    D ’  H  A  Y  T  I.

Du Cap , le 11 Novembre.

Samedi 7 du courant , Monseigneur est arrivé en cette Capitale. Toutes les Dames de sa bonne Ville étaient accourues en foule à la porte où l’on présumait que son entrée devait avoir lieu , pour semer des fleurs sur son passage et célébrer son retour par le cri devenu si cher à tous nos cœurs , celui de vive Henry ;  mais soit que la fatigue l’eût empêché de se montrer à l’empressement général , ou soit qu’après avoir si bien mérité les lauriers qu’on brûlait de lui offrir , sa modestie ait contrarié les vœux de l’admiration publique , il s’est soustrait , par des chemins détournés , aux bénédictions de ses Concitoyens , et s’est rendu en son palais au moment où le Peuple rassemblé à l’une des portes de la Ville attendait encore son idole.

Aussitôt que cette nouvelle agréable fut confirmée , les Citadins , précédés de la musique guerrière , se transportèrent sous les fenêtres du palais de Monseigneur , en poussant des cris d’allégresse et en agitant les rameaux qui lui étaient destinés. En un instant la garde fut forcée , et le Héros se vit dans les bras de ses enfans. Ce spectacle est bien ravissant , qui offre le tableau de l’autorité combattant de générosité avec l’amour des gouvernés.

Quoique les Habitans de cette Capitale n’ayent jamais pu s’habituer à l’absence de Monseigneur , jamais la joie qu’excite sa présence ne s’était manifestée avec des transports si vifs ; c’est qu’on savait que ce Chef actif , au premier avis d’une nouvelle tentative par les Révoltés sur la ville de Saint Marc , avait tombé sur eux aussi prompt que le vent , et les avait reconduits, l’épée dans les reins , jusqu’à leurs derniers retranchemens ; c’est qu’on avait appris que , ces exploits terminés , il avait paru au Port-de-Paix , où son influence n’avait pas été moins funeste aux ennemis qu’aux champs de Pivert ; c’est enfin que les sollicitudes générales ayant accru en raison des dangers qu’il a encourrus , il était bien juste que la preuve vivante de sa conservation fût ressentie avec plus d’émotion.

En réfléchissant sur les malheurs auxquels un sot orgueil , joint à l’ambition la plus démesurée , expose ce nouvel Etat , et aux travaux du Grand Homme qui , à

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lui seul , remédie à nos calamités , on convient avec reconnaissance que la Providence divine , qui les prévoyait , a eu soin de faire germer dans son sein les précieuses semences des vertus qui font le sort des Peuples , les régénèrent , et exécutent de grandes choses , là où un esprit ordinaire n’eût entrevu que des obstacles insurmontables.

Cette journée délicieuse a été terminée par une illumination générale.

Parmi les diverses productions adressées à Monseigneur , le discours suivant , prononcé par M. le Commissaire du Gouvernement , au nom des Tribunaux de la province du Nord , a fait épanouir tous les cœurs , dont il était le fidèle interprète.

M  o  n  s  e  i  g  n  e  u  r ,

C’est avec l’empressement du sentiment le plus vrai , que les Habitans de cette Capitale et leurs Magistrates viennent vous offrir leurs respects ; après une absence si glorieuse , ils ne savent où trouver des expressions dignes de célébrer les exploits et cette dernière campagne ; qu’il leur soit permis d’épancher leurs cœurs dans le sein du grand Henry , dont le retour , si désiré , excite l’allégresse générale !

Tous ceux , Monseigneur , qui apprécient vos nobles travaux , savent que vous êtes autant au dessus de ces monstres pestiférés qui outragent votre autorité , que le Souverain , dont vous portez le nom et dont les vertus étaient les mêmes que les vôtres , était supérieur à une ligue criminelle ; et c’est le cri général du Peuple sur lequel vous étendez vos bienfaits , que le salut de l’Etat dépend , Monseigneur , de votre conservation , et que le nouvel ère de son indépendance datera de l’époque de votre administration.

Que nous serions heureux si , avec le seul secours du sentiment , nous pouvions entreprendre de louer le Héros qui fait nos délices et le désespoir de nos ennemis ; mais comment dépeindre ce génie qui veille sur tout en même temps , qui se trouve par-tout au même instant , et qui semble se multiplier avec les dangers ? Comment retracer cette sagacité qui pénètre les desseins les plus secrets , et les fait avorter aussitôt que conçus ? Et comment décrire cette supériorité d’âme et de talens , qui , du moment qu’elle se montre , fixe à son char l’inconstance de la fortune et maîtrise en tous lieux les hazards de la guerre.

Nous sommes , Monseigneur , au-dessous de la tâche que notre amour et notre admiration pour vous nous imposent ; mais nous saurons toujours bénir , chérir et respecter l’invincible Henry , dont chaque pas est un acheminement vers le triomphe de la liberté , et dont chaque pensée est un bienfait ajouté au grand œuvre de la régénération.

Veuillez , Monseigneur , accueillir , avec l’expression sincère de notre attachement , ces lauriers que les mains des Ministres de la justice ont tressés tandis que vous exposiez si généreusement votre personne pour le salut public ; daignez jeter un regard favorable sur les Dames de votre bonne ville du Cap , qui vous offrent des couronnes de fleurs dans les transports de l’ivresse que vous leur inspirez ; et puisse notre Père jouir long-temps de la gloire et de la prospérité de l’Etat d’Haïti , après les avoir affermis par le pouvoir de ses armes !

J U S T E   H U G O N I N.

                                                                                                                                                           

A  V  I  S    D  I  V  E  R  S.

On vend à l’Imprimerie l’Alphabet pour apprendre à lire , des Cantiques spirituels , le Catéchisme pour faire la Communion , le Saint Suaire de Notre – Seigneur , et la Neuvaine à saint Antoine de Padoue.

                                                                                                                                                           

Au Cap , chez P. Roux , imprimeur de l’Etat.

5 Novembre 180719 Novembre 1807

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