17 Mars 1808

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The final article of this issue criticizes French attempts to circumvent the usual and customary trade tarifs imposed on goods moving between the colonies and various European metropolitan centers. The newspaper reports that the United States, potentially the “secret enemy” referenced in the article, concluded a treaty with France allowing them to help Bonaparte to get his hands on colonial goods at a much cheaper rate than that imposed on the British, for instance. The writer of the article reports that Great Britain considers this Jeffersonian produced policy to be “political suicide” and perhaps rather audaciously states that “a war lasting a few months might suffice to convince [the U.S.] of their unreasonableness and punish them for their insolence and audacity.”

*Provenance: Bibliothèque Nationale de la France

 

(  N u m é r o   11.  )

 

 

GAZETTE OFFICIELLE

d e

L’ É T A T   D ’ H A Y T I,

Du  J e u d i  17  Mars 1808 , l’an cinquième de l’indépendance.

                                                                             

Chaque Peuple , à son tour , a brillé sur la terre.

Voltaire , Mahomet.

 

                                                                                                                              

D É T A I L S   M I L I T A I R E S

Sur la dernière Guerre de Prusse.

L’extrait qui suit d’un ouvrage publié par le duc Eugene de Wurtemberg , fournit la triste preuve du défaut d’ensemble et de prévoyance qui existait dans les conseils de sa majesté prussienne. Quand on lit ces détails , on se demande s’il n’y a pas eu encore plus d’aveuglement dans les conseils de ce prince , qu’il n’y a eu d’audace dans la tentative de Buonaparté. La même présomption , le même désir d’avoir exclusivement les honneurs de la campagne et les avantages de la victoire avaient , un an avant le désastre de la Prusse , produit celui de la monarchie autrichienne. Alors les généraux prussiens eux-mêmes reprochaient au général Mack de s’être trop avancé dans l’Allemagne , et d’avoir mis trop d’opiniâtreté à conserver ses premières positions ; ils faisaient de très-beaux commentaires sur les fautes sans nombre de cette campagne , qui cependant offrait encore des incidens honorables pour les troupes autrichiennes et pour quelques-uns de leurs chef. Qui aurait pu prévoir , après l’exemple imposant qu’ils avaient sous les yeux , après la connaissance qu’ils avaient dû acquérir de la manière prompte , vigoureuse, inatendue dont Buonaparté attaque, du soin qu’il a d’être toujours aussi supérieur par le nombre de ses troupes que par la rapidité de ses mouvemens , tous ces grands tacticiens verraient dès le début de la campagne leur armée battue , coupée , et tournée dans toutes ses directions ? Il est bien certain qu’il y a eu des traîtres ; et que , comme nous l’avons dit , il y a quelques jour , sa majesté prussienne s’est trouvée entraînée par une effervescence adroitement communiquée à ses alentours pour détruire en eux tous les calculs de la prudence. Mais, en faisant ici la part de la trahison , on ne peut encore expliquer comment est tombée en peu de jours , et par un seul choc , cette monarchie , crée par tant d’efforts , de combats et de victoires, comment a été vaincue et dispersée, en quelques heures , cette armée dont l’organisation avait été profondément combinée , si fidèlement maintenue conformément aux vues de son créateur , et sur laquelle presque toutes les puissances , sans excepter la France , avaient modelé leur état militaire ? Peut – être que , comme Buonaparté ne craint pas lui-même de le

 

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dire dans ses journaux , la Prusse avait eu tort de tenir ses troupes dans l’inaction, lorsque toute l’Europe était en guerre , lorsqu’une nouvelle tactique , introduite par la force des choses , déconcertait entièrement l’ancienne. Le Grand Frédéric n’eût pas commis cette faute ; il aurait promptement saisi , avec ce coup d’œil rapide et sûr qui lui appartenait si éminemment , tous les périls de l’inaction au milieu d’une impulsion si puissante , d’un mouvement si rapide dans sa progression , il aurait assujetti à son génie la tactique nouvelle , et battu Buonaparte par ses propres armes ; mais en léguant sa puissance , il n’a pu léguer son génie.

Tous les généraux prussiens qui ont survécu à l’anéantissement de la monarchie , ont fait paraître des mémoires , dont la plupart semblent avoir pour but beaucoup moins de justifier leurs auteurs, que d’inculper leurs chefs ou leurs compagnons d’infortune. Le duc Eugene de Wurtemberg , qui commandait l’armée de réserve , est peut – être , de tous les commandans prussiens , celui qui a été censuré le plus amèrement dans ces mémoires ; ce prince s’est donc vu forcé de rendre public un écrit qu’il avait composé dans sa retraite , et qu’il n’avait point destiné à voir le jour. Parmi les détails purement militaires qui n peuvent être saisis que par les gens de l’art , le duc de Wurtemberg a placé des traits et des réflexions qui jettent quelque lumière sur les causes presque incompréhensibles des désastres sous lesquels a succombé , en peu de jours , un des plus puissans états européens. Ce prince, par son rang et par le crédit dont il jouissait à la cour , a dû voir et entendre des choses qui ont échappé à la connaissance publique. Nous ne pouvons donc mieux faire que de le laisser parler lui même :

«  La conduit politique de la Prusse a plus contribué encore à sa ruine que ses fautes

» militaires. Le cabinet, sans aucun plan fixe , flottait au gré des événemens. Placé entre la

» France , la Russie et l’Autriche , il fallait prendre un parti décisif, et ne plus s’abuser des

» chimères d’une neutralité devenue impossible. Je ne prétends point indiquer quel était ce parti ,

» mais je soutiens qu’il était indispensable d’opter entre les deux. Pour s’éviter l’embarras du

» choix , on a voulu avoir l’air d’agir spontanément ; on s’est lancé dans la carrière avant que les

» russes fussent à portée d’appuyer les opérations.   J’eus , à ce sujet , un long entretien avec

» un homme qui jouissait d’une grande influence ; je lui demandai ce que pouvait

» espérer la Prusse seule , contre un ennemi aussi formidable , aussi accoutumé à vaincre ; ce

» personnage me répondit , que l’intention du cabinet était , avant tout , de persuader à

» la France qu’il n’existait point de coalition .  La France ne s’est rien laissé persuader , et

» n’a répondu à toutes les assertions du manifeste , à cet égard , que par la dérision , comme on

» devait s’y attendre ; mais enfin , puisque l’on voulait la guerre , il fallait qu’elle fût

» purement défensive dans son début ; il fallait occuper la Saale avec le gros de l’armée ,

» et l’Elbe avec les réserves. Tout individu qui a connu le duc de Brunswick , dans ces derniers

» temps , n’a point dû douter que tel serait le plan qu’il adopterait ; mais , hélas ! il ne croyait pas

» qu’il fût possible aux français de l’attaquer avant qu’il eût terminé toutes ses dispositions.

» Plusieurs personnes de ma connaissance cherchèrent, mais vainement , à le faire revenir de son

» aveuglément sur ce point. Cette obstination de la part du duc de Brunswick est d’autant plus

» inexplicable pour moi , que , dans toutes les occasions , il me disait : Il faut être bien en mesure

» pour entreprendre quelque chose contre un pareil ennemi , il ne faut pas de

 

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»  demi-moyens , mais un grand ensemble pour espérer de réussir ».

Cependant , la guerre est déclarée précipitamment ; le duc Eugene de Wurtemberg est chargé de former une armée de réserve de 18 bataillons et de 28 escadrons. On lui mande de se porter sur Halle , puis sur Mersébourg , puis enfin de venir joindre l’armée du roi , qui , pour éviter d’être tournée par les français , avait pris la résolution de leur livrer une bataille décisive. On devait savoir que le duc ne pouvait faire sa jonction avant le 18 ; et , dès le 14 , on donne ( ou l’on est forcé de recevoir ) la bataille d’Jéna. Le prince , qui était en marche , entend le canon toute la journée ; ses officiers d’artillerie , que le bruit s’éloigne , et que conséquemment les prussiens sont victorieux. Le 15 et le 16 se passent sans que le duc de Wurtemberg reçoive aucune nouvelle du roi ni de ses généraux ; les fuyards n’apportaient que des détails contradictoires. Le prince voulant cependant , à tout prix , se procurer des renseignemens certains , envoie sur divers points de gros partis de cavalerie. On lui amène quelques français qui faisaient partie des éclaireurs de l’armée ; et ici nous laissons encore parler le prince :

«  Ces prisonniers , selon la coutume de tous les français , ne voulaient rien dire , quelques

» instances qu’on leur fît. »

Livré à cette cruelle incertitude, le duc de Wurtemberg marchait , pour ainsi dire, à l’aventure , lorsque le 17 Octobre , au point du jour , un officier saxon vint lui donner l’assurance de la déroute complète du prince de Hohenlohe et du général Ruchel. On n’avait compté que sur des victoires , on n’avait rien arrêté pour une retraite. Le duc , abandonné à lui-même , crut donc ne pouvoir prendre un parti plus sage que de se porter de Halle , où il se trouvait alors , sur Magdebourg , où il espérait rencontrer le roi et les débris de l’armée ; mais à peine était-il en marché , qu’il fut attaqué avec impétuosité par la division du général Dupont , et bientôt après par tout le corps du prince de Ponte-Corvo. La victoire se déclara comme à Jéna , entièrement pour les français. Le duc , avec ce qu’il put rallier de son armée ,  passa l’Elbe à Rosslaw , près Dessau , et parvint à gagner Magdebourg le 19 Octobre. Il termine son mémoire à-peu-près en ces termes :

«  Après trente – deux ans de services fidèles sous trois monarques ; après avoir été honoré de

» la bienveillance particulière du Grand Frédéric , traité en ami par le roi aujourd’hui régnant ,

» c’est moi qui suis accusé d’avoir causé , plus qu’un autre , la ruine de la monarchie prussienne.

» Dois-je donc porter le blâme des fautes que je n’ai point commises , mais que l’on m’a

» ordonné de commettre? N’est – il pas doublement affreux pour moi , d’être réduit à supporter

» de telles imputations , lorsque je ne puis les repousser qu’en manquant aux égards que je dois à

» de grands personnages ? Mon dévouement pour eux est trop sincère pour que je puisse me

» résoudre , même pour ma propre justification , à dénoncer à l’opinion publique , leurs ordres et » leurs fautes. Au reste , à quoi bon ces récriminations , ou ces conseils pour l’avenir. Jamais la

» Prusse ne redeviendra ce que le grand roi l’avait faite : son génie s’est évanoui.  »

                                                           

R É S U M É   P O L I T I Q U E.

Le trait conclu avec l’envoyé américain sous l’administration précédente , et que M. Jefferson avait refusé de ratifier , a été publié à New – York. En le lisant , on s’étonne que le gouvernement américain ait renoncé à des avantages dont il n’avait joui jusqu’à ce jour que par une espèce d’usurpation tacite , et qu’un traité solennel allait lui garantir. Un journal anglais

 

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appelle avec raison ce refus extravagant un suicide politique. Ce traité accordait expressément aux américains la faculté de transporter des marchandises d’Europe dans les colonies de l’ennemi , ainsi que les produits de ces colonies dans les ports de la métropole , sous la réserve qu’auparavant on les conduirait en Amérique pour y être débarquées , et devenir ainsi marchandises d’Europe , destinées pour les colonies , payeraient un droit de deux pour cent. Ainsi notre ennemi le plus invétéré devait recevoir les produits de ses colonies par l’entremise de nos ennemis secrets , en payant seulement le cinquième des frais que nous coûte le transport de nos propres denrées coloniales. Dès-lors les propriétés qui pouvaient tomber entre nos mains , et récompenser la valeur de nos matelots , se trouvaient hors de tout danger d’être saisies , parce qu’elles auraient été protégées par un pavillon neutre.

Dans tous les traités entre les peuples civilisés , à moins qu’ils ne soient conclus entre les vainqueurs et les vaincus , l’usage est de stipuler et des avantages réciproques et des sacrifices mutuels ; mais dans ce traité les américains ont tous les avantages et la Grande-Bretagne fait tous les sacrifices. Notre ennemi déclaré est sûr de recevoir, comme s’il était en temps de paix , les produits de ses colonies , tandis que le commerce anglais se trouve soumis aux charges croissantes et aux dangers qui résultent d’un état de guerre. Il n’est pas douteux que maintenant les américains ne déplorent l’aveuglément ou les faux calculs qui les ont engagés à tarir ainsi la source de leur prospérité. Ils viennent de recevoir une leçon utile ; et certes il n’est pas de nation à qui elle fût plus nécessaire. Mais s’ils persistent dans leur politique insensée , une guerre de quelques mois suffira pour les convaincre de leur extravagance et pour châtier leur insolence et leur audace.

On annonce depuis quelques jours une proclamation de sa majesté , pour défendre toute communication avec la France et les pays qui lui sont soumis , ainsi que pour interdire l’entrée de leurs ports à tout vaisseau qui ne viendrait pas directement d’un de ceux de la Grande-Bretagne ou de ses colonies. Ainsi, tandis que Buonaparte annonce avec emphase que ses décrets contre notre commerce , nous forceront à demander la paix , il trouvera que bien loin d’être déconcertés par ses folles mesures ou intimidés par ses menaces , nous lui opposons une vigueur et une décision égale à sa turbulence , et nous déclarons qu’il ne recevra les produits des deux Indes , de l’Asie , de l’Amérique , ou de l’Afrique , qu’autant qu’il consentira à les tenir de nous. Il a proclamé à l’Univers qu’il a trouve le secret de réduire nos prétentions , au point qui convenait à ses vues , que le but de toutes les guerres que nous entreprenons étant le monopole du commerce du monde , aussitôt que nous verrions nos vues trompées par un ennemi qui domine tout le continent , nous demanderions la paix. Nous devons le convaincre que si le commerce nous a rendus riches , il ne nous a pas rendus pusillanimes ; qu’après l’avoir agrandi par notre valeur , nous ne lui sacrifions ni l’honneur ni l’esprit public qui nous distinguent si éminemment. La situation présente des affaires montrera notre caractère dans toute sa vigueur et toute son énergie , en nous forçant de recourir aux mesures qui seules peuvent rendre incontestables les droits qui font notre force et notre prospérité , et assurer les bases sur lesquelles notre commerce doit enfin être établi.

Le continent ne peut se passer de denrées coloniales , et du moment qu’il lui sera impossible de les tirer des colonies de l’ennemi , il sera forcé de les recevoir de nous.

                                    La suite au Numéro prochain.

                                                                                                                                                           

A  V  I  S    D  I  V  E  R  S.

Me Chanlatte , notaire et défenseur officieux , demeure actuellement quai Saint-Louis et rue des Religieuses.

                                                                                                                                                           

Au Cap, chex P. Roux, imprimeur de l’Etat.

 

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3 Mars 180828 Septembre 1809

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