19 Novembre 1807

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This is a noteworthy issue, principally, because it contains the first signed poem by Juste Chanlatte, who would go on to produce independent Haiti’s first operas with his L’Entrée du roi dans sa capitale (1818); Néhri (1819), an anagram of Henri; and La Partie de chasse du roi (1820). These operas are especially noteworthy for their use of nineteenth-century Haitian Kreyòl in some of the dialogue. The poem that appears here is called simply, “Couplets,” and is addressed to “Monseigneur, le Président.”

*Provenance: British Library

(  N u m é r o   29.  )

                                                                                                                                                           

GAZETTE OFFICIELLE

d e

L’ É T A T   D ’ H A Y T I ,

Du  Jeudi  19 Novembre 1807 , l’an quatrième de l’indépendance.

                                                                             

Chaque Peuple , à son tour , a brillé sur la terre.

Voltaire , Mahomet.

                                                                                                            

Suite de Coup – d’OEil politique sur

l’Etat actuel de l’Europe.

LA Prusse , en effet , par la traité de Tilsit , est réduite au rang de plus faibles puissances : toutes les acquisitions et les conquêtes faites par le Grand Frédéric , au prix de vingt années de guerres et de combats , ont été perdues par son petit-fils en un jour : le tigre impérial dont celui-ci a favorisé , du moins passivement , la fureur contre les autres souverains , l’a attaqué à son tour , et l’a horriblement mutilé ; il ne lui reste même pas assez de force pour repousser l’attaque des nouveaux rois dont son ennemi l’a environné ; et ce qui doit encore ajouter à son abaissement et à l’amertume de ses remords , (si les monarques en éprouvent quelquefois) c’est qu’à la vue de ses malheurs , la sensibilité est muette ou plutôt nulle , et que les cœur connaissent à peine pour lui l’intérêt qui partage les douleurs d’autrui , et la pitié qui les plaint.

Tel a donc été l’aveuglement de la Prusse , et tel est son sort ; elle s’est perdue en écoutant cette politique machiavelique qui favorisait les projets ambitieux d’un homme , dont le but est de n’avoir , en Europe , que des esclaves pour sujets et des rois pour vassaux. L’Autriche vient de suivre les mêmes principes , et en recueillera sans doute bientôt les mêmes fruits. N’y a-t-il donc pour l’Europe aucun espoir de salut ? Loin de nous cette idée aussi dégradante pour les souverains légitimes , qui règnent encore , que désolante pour leurs sujets fidèles. Tous les peuples civilisés et les gouvernemens légitimes de cette quatrième partie que nous habitons , sont menacés d’esclavage et d’anéantissement par l’ambition insatiable d’un homme , en qui les triomphes augmentent la fureur suscitent de nouveaux désirs ; mais leur délivrance est encore au pouvoir de ceux qui gouvernent tous les empires menacés , ébranlés , mutilés ; ils peuvent , quoiqu’affaiblis , briser la hache tyrannique qui a déjà sapé les fondemens de plusieurs trônes , comme les partis divers qui , en 1794 , tremblaient à Paris et périssaient tour à tour sous les coups destructeurs de Robespierre , purent se délivrer de ce tyran meurtrier , dont la puissance semblait inattaquable , et faisait courber ou tomber les têtes.

En effet , il existe , à notre avis , entre

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cette époque sanglante et celle où nous vivons , entre la situation intérieure de la France alors et la situation actuelle de l’Europe , entre Buonaparté et Robespierre , des traits d’analogie , des caractères de ressemblance. Qu’elles usent des mêmes armes , la tyrannie peut finir par la même chute , si le courageux désespoir des opprimés égale au moins la rage de l’oppresseur. A l’époque dont nous parlons , l’aveugle fureur de tout bouleverser , de renverser , de tout innover , parcourait la France à la voix d’un seul homme atroce , qui , sans respect pour les droits les plus sacrés de la terre et du ciel , et soutenu par quelques bataillons d’assassins , abaissait la grandeur, élevait la bassesse , récompensait le crime , foulait aux pieds la justice , et substituait partout sa volonté aux lois , et l’autorité usurpée à l’autorité légitime. La même fureur, à l’aide des mêmes moyens , sous la direction d’un homme du même caractère , parcourt aujourd’hui l’Europe , n’y laisse rien d’intact , n’y connaît rien de sacré , n’y marche que le fer et la torche à la main , et ne s’arrêtera qu’après avoir détruit toutes les puissances légitimes , et fonde sur leurs ruines son trône dominateur , et quelques trônes subalternes pour les compagnons de ses crimes. La France , abreuvée de sang , sous le gouvernement de Robespierre , présentait l’image du cahos ; l’Europe , également baignée de sang par la main du Buonaparté , offre ce même spectacle de désordre , de crime et d’horrible confusion. Robespierre proscrivait et dépouillait les citoyens paisibles pour transmettre leurs propriétés à des factieux ; Buonaparté transmet de même les dépouilles des princes souverains et des membres de l’empire germanique à des évêques apostats devenus laïcs , à des palefreniers devenus généraux de l’armée. Robespierre  régnait en France par la mort et la terreur ; c’est aussi par la mort et la terreur que Buonaparté règne aujourd’hui sur l’Europe. Robespierre avait dit : Que la France soit entièrement changée ; qu’il n’y ait plus ni rois , ni princes , ni seigneurs ; que le nom des provinces disparaisse ; et que des dominations nouvelles et de nouvelles démarcations attestent ma puissance réformatrice , et annoncent de nouveaux maîtres. Buonaparté a dit à son tour : Que la face de l’Europe change à ma voix ; qu’il n’y ait plus ni empire germanique , ni diète , ni cercles , ni bancs , ni élections ; que le titre et le nom même d’empereur d’Allemagne disparaisse ; que celui qui le portait en soit dépouillé ; que les territoires , les souverainetés , les peuples mêmes perdent leurs anciennes noms , leurs anciens maîtres, leurs anciennes limites , et n’appartiennent désormais qu’à ceux à qui je les veux donner. La France perdait tous les ans plus de quatre cent mille victimes immolées à la fureur de Robespierre ; l’Europe en perd tous les ans plus de six cent mille immolées à l’ambition forcenée de Buonaparté. Robespierre s’était emparé des rênes du gouvernement pour avilir , détrôner et détruire le légitime souverain de la France ; Buonaparté s’en est emparé de même pour l’avilissement et la destruction de tous les souverains légitimes de l’Europe. Robespierre enfin , sous le nom de citoyen , était réellement le Buonaparté , empereur de la France ; et Buonaparté aujourd’hui , sous le nom de empereur , est réellement le citoyen Robespierre de l’Europe : la seule différence qui se trouve entre la situation comparative de ces deux vastes contrées , c’est que la France , au milieu de ces désolations et de ses ruines , n’avait aucun exemple à suivre pour renverser le tyran qui l’opprimait ; tandis que l’Europe au contraire trouvera , si elle le veut , une leçon salutaire , écrite en caractères de sang , dans l’histoire même des malheurs de la France.

La suite au Numéro prochain.

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N O U V E L L E S   D I V E R S E S.

Révolution à Constantinople.

Quelques feuilles anglaises on dit , d’après des lettres du continent , que le sultan Sélim avait reçu ordre de prendre du poison , le lendemain du jour où il avait été détrôné , et que ce malheureux automate s’était soumis sans murmure aux lois de la fatalité. Cette nouvelle était sans fondement ; le moderne Bajazet vit encore , et ne trouvera certes ni Roxane , ni Atalide pour charmer ses ennuis , et tenter de le replacer sur le trône. Le général Sébastiani était aux Dardanelles le jour de cette révolution , d’après le principes de l’abbé Siéyès , qu’un bon révolutionnaire ne doit jamais voir exécuter que de loin le mouvement qu’il a préparé. Les papiers français ont publié une relation de cet événement , arrangée par les agens de Constantinople , pour servir et valoir à ce que de raison. Nous n’avons aucun motif de la soustraire à la connaissance de nos lecteurs. La voici telle que le Moniteur la donne sous la rubrique de Widdin.

« La révolution qui vient de faire descendre le sultan Sélim du trône , ne paraît être le résultat d’aucune influence étrangère , mais bien celui du sentiment pénible qui affectait le peuple à la vue des dangers de l’empire , et l’appel du Nisam-Gerit a donné lieu à l’explosion populaire.

» Depuis long-temps on remarquait un mécontentement général dans tout l’empire ; on attribuait à la faiblesse du gouvernement et à la corruption des ministres , l’anarchie des provinces , les brigandages de la Romélie , les progrès de la révolte de Servie , la perte de Belgrade , les troubles de l’Arabie , qui privent les musulmans du pèlerinage à la Mecque et au tombeau de prophète ; les humiliations reçues de la Russie ; l’envahissement de la Moldavie et de la Valachie ; il avait fallu que les bons ottomans forçassent le divan à repousser l’ennemi et à rétablir l’antique alliance avec les français ; il avait fallu qu’ils le forçassent à repousser l’escadre anglaise introduite par la trahison dans les Dardanelles ; ce qui est une honte pour la nation à qui on avait osé proposer de livrer l’ambassadeur de France.

» Tels étaient les discours du peuple , lorsqu’on annonça que les ministres , voulant profiter de l’absence des janissaires partis avec l’armée , avaient résolu d’appeler à Constantinople le Nisam-Gerit , et de lui confier la garde des forts. L’institution de cette nouvelle milice peut avoir été le résultat d’une bonne intention ; mais les plans d’exécution n’ont présenté qu’une armée qui semblait dirigée contre les janissaires , milice nationale qui a fondé l’empire ; elle est donc devenue odieuse , surtout dans la Turquie d’Europe.

» Cette mesure a été le signal d l’effervescence qui a bientôt éclaté ; on veut , disait on , livrer les Dardanelles et Constantinople à l’ennemi. Les ministres trompent le sultan ; ce sont eux qui ont appelé les russes qui devaient arriver jusqu’à Andrinople pour leur aider à détruire le corps des janissaires , et à établir le Nisam-Gerit.

» Le corps des ulémas se concerta avec celui des janissaires dans les journées des 26 , 27 et 28. Un ancien usage veut que chaque vendredi , jour de fête chez les turcs , les janissaires se rassemblent sur la place Atmeidane ; le sultan leur fait présenter le schiorba ( soupe) en signe de fraternité , étant lui-même janissaire. Ce corps témoigne son mécontentement en ne l’acceptant pas , et l’on fait droit à ses plaintes , ou il donne , en l’acceptant , le signe de son dévouement à l’empereur.

» Le vendredi 29 Mai , les janissaires , assembles suivant cet usage , firent connaître à Sélim , que son règne ayant toujours été malheureux , leur vœu était qu’il remît le trône à son neveu Mustapha ,

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héritier légitime. Le sultan , obligé de céder , abdiqua l’empire , et voyant son successeur , lui donna , avec douleur , les conseils suggérés par sa situation. Sélim dut se reléguer dans l’intérieur et la solitude de sérail ; ce prince , doux et personnellement aimé , avait cessé d’être agréable à ses sujets , à cause de sa faiblesse , et parce qu’il n’avait point en d’enfans. Les usages de l’empire , ou les traditions , sont qu’en pareil cas le grand seigneur , a bout de sept ans, doit résigner le trône à son successeur.

» Mustapha , aussitôt son élévation , a promis de rétablir les anciens usages et les anciennes limites de l’empire , telles qu’elles étaient du temps du sultan Hamit son père , prédécesseur de Sélim ; ce prince a un caractère ferme et très-prononcé ; il sera sans doute heureux , disent les turcs, puisque son père l’a été.

» Les ulémas et les janissaires ont exprimé au nouveau sultan la résolution de conserver fidèlement l’alliance avec les français . L’empereur Napoléon , disent-ils , a les mêmes ennemis que nous ; ce sont ses victoires qui ont préservé cet empire vendu à l’ennemi par les traîtres; nous voulons la guerre pour reprendre nos provinces envahies. La secousse imprimée a donné un enthousiasme nouveau à toute la nation ; elle espère reconquérir la Crimée , dont la perte lui cause beaucoup de regrets , et faire finir la révolte des Serviens , entretenue par les ennemis de la Porte. Le nouveau sultan témoigne les mêmes sentimens. Les impôts nouveaux ont été supprimés , entre autres le charab miris , impôt sur le vin et l’eau-de-vie , et le monopole du blé.

      » Constantinople est tranquille ; les janissaires ont fait ouvrir les boutiques qui avaient été fermées. Nous vous aiderons , ont ils dit au grand seigneur , à punir les voleurs ; le brigandage n’aura plus lieu en Romélie ; nous marcherons , s’il le faut , pour rétablir l’ordre. Les ministres qui étaient protecteurs des brigands sont morts.

La suite au Numéro prochain.

                                                                                               

C   O   U   P   L   E   T   S

Adressés à Monseigneur le Président ,

en l’honneur de la journée de Pivert.

Sur l’Air : C’est en vain que le Nord enfante.

E n v a i n  une ligue insolente

Ose s’armer contre tes droits ;

Le sort va soumettre à tes lois

Les flots d’une rage impuissante.

Pivert ! ô vaste champ d’honneur !

Lieu témoin de notre valeur !

Tombeau des traîtres , des rebelles !

Sous le glaive de nos soldats ,

Là , des phalanges criminelles

Ont expié leurs attentats.

Oui : le secret de la victoire

Est de crier vive Henry !

A ce nom tout cède , et ce cri

Est celui qu’adopte la gloire.

T e l s  on voit de profonds abîmes

Couver des volcans destructeurs ;

Tels , dans le sein des sénateurs ,

En secret fermentaient les crimes.

Pétion s’approche , et son orgueil

Déjà préparait un cercueil

Au héros dont la voix nous guide ;

Mais Pétion fuit , et sa frayeur

Est celle de l’oiseau timide ,

Qui s’enfuit devant le chasseur.

Oui : le secret de la victoire , etc.

C e s s e , canaille ridicule !

A Henry d’adresser tes coups ;

Du Nain que prétend le courroux ,

Contre les flèches d’un Hercule ?

Un jour , à ses pieds prosterné ,

Ton front fléchira consterné

Sous son égide triomphante ,

Et tu frémiras de terreur ,

Semblable à la brebis tremblante

Que du loup poursuit la fureur.

Oui : le secret de la victoire , etc.

B r i l l e  sur nous jour désirable ,

Où Henry , l’idole des cœurs ,

Anéantira les horreurs

De cette horde détestable !

N’en doutons pas ; la douce paix

Bientôt versera ses bienfaits

Sur la gloire qui l’environne ;

Car pour embellir le laurier

Que pour lui fait croitre Bellone ,

Minerve arrose l’olivier.

Oui : le secret de la victoire , etc.

Par  J U S T E   C H A N L A T T E.

                                                                                                                                                           

Au Cap , chez P. Roux , imprimeur de l’Etat.

12 Novembre 180726 Novembre 1807

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