2 Juillet 1807

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This issue contains a lengthy excerpt from the Courrier d’Angleterre about the present situation of Napoléon Bonaparte. An article entitled, “Quelques Réflexions sur le prétendu Sénat du Port-au-Prince,” declares to be illegal the primary legislative body of the southern republic of Haiti, led by President Alexandre Pétion.

*Provenance: British Library

(  N u m é r o   9.  )

                                                                                                                                                           

GAZETTE OFFICIELLE

d e

L’ É T A T   D ’ H A Y T I,

Du  J e u d i   2  Juillet  1807 , l’an quatrième de l’indépendance.

                                                                             

Chaque Peuple , à son tour , a brillé sur la terre.

Voltaire , Mahomet.

                                                                               

Fin du la situation présente de Bonaparte.

SI  l’abus de la victoire a jamais préparé le malheur des conquérans , quels revers ne doit – il pas promettre à Bonaparte ? Sa vanité ingénieuse , dans les insultes qu’il prodigue à ses victimes , semble ne vaincre les rois que pour les avilir , ne subjuguer les peuples que pour les forcer d’adorer la main qui leur apporte de fers. Sa clémence se paye par l’infamie , et ses rigueurs impitoyables attendent les hommes courageux qui ne peuvent supporter l’esclavage. L’Allemagne , soumise à une foule de pro-consuls militaires , est chaque jour insultée par des proclamations , où l’on employé , tour à tour , le langage du mensonge et de la menace. On lève des contributions sur ces peuples malheureux , on veut les placer dans les rangs de cette armée que l’ambition d’un parvenue entraîne jusqu’aux limites de la Russie ; et lorsque les peuples courent aux armes , on leur dit que des malveillans les égarent , et que les soldats du tyran vont arriver pour les punir ! Quelle puissance terrible exerce dont ainsi ses ravages , depuis l’extrémité de l’Italie jusqu’aux rives de la Baltique , et soumet à la fois à ses tribunaux militaires , les habitans de la Calabre et ceux de la Westphalie , ou plutôt quelle main retient encore tant de haines prêtes à éclater contre un despotisme odieux ? Sommes-nous proches du temps où la tyrannie révélera elle-même le secret de sa faiblesse , et verra s’élever à la fois , contre elle , ces innombrables ennemis à qui il ne manque que l’union et la volonté pour rendre à l’Europe l’indépendance et le bonheur ? Ce qu’il y a de certain , c’est que l’époque actuelle paraît être le commencement d’une Ère nouvelle dans les fastes révolutionnaires. La puissance usurpatrice a donné à ses conquêtes une extension prodigieuse et rapide. Depuis un an les armées de Bonaparte ont couverts toute la péninsule de l’Italie , se sont montrées sur les frontières de l’Empire Ottoman , et ont pénétré au centre de la Pologne ; mais l’étendue de ses conquêtes l’a forcé d’en confier la garde à un petit nombre des troupes , composées , en grande partie , des soldats de ces princes que l’usurpateur a flétri du nom d’alliés. Bonaparte a voulu amalgamer les peuples conquis avec le peuple conquérant ; il a cherché à effacer la nuance qui distingue encore les esclaves que le jacobinisme lui a légués , de ceux que la faiblesse et la

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désunion des princes ont rendus les instrumens de son ambition. Il lui importerait de consolider ainsi l’édifice de ce grand Empire , qu’il prétend élever sur la ruine des nations européennes , et de faire perdre à tous les peuples jusqu’aux titres de leur asservissement. Mais le temps et la nature ne sont point encore au nombre des conquêtes de l’heureux Napoléon ; le temps et la nature ne lui permettent pas d’exécuter , dans une année , un projet qu’autoriseraient des siècles de victoires. Les français n’oublieront pas que c’est après avoir vaincu au nom de la liberté , qu’ils combattent aujourd’hui pour un despote ; les allemands sauront qu’ils portent les armes pour l’oppresseur de leur commune patrie ; et le malheureux habitans de l’Italie ne cesseront pas de détester ceux qui ne leur ont laissé que leur beau ciel et le souvenir de leur ancien bonheur. Il n’existe point de concert entre les peuples pour renverser la tyrannie , mais il n’y en aura pas non plus pour la soutenir. Le nom français s’attachera toujours inévitablement aux succès du tyran ; et si ce nom cesse d’être la terreur du monde , il en deviendra le mépris. Déjà plusieurs parties de l’Allemagne ont manifesté cet esprit de résistance , qui deviendrait fatal à l’armée française , si la Providence préparaît à cette armée un de ces grands revers que le Ciel réserve au crime triomphant. Déjà quelque-uns des conscrits , entraînés loin du foyer paternel , pour aller combattre en Pologne , ont trouve la mort en Allemagne , avant d’avoir aperçu les aigles de Napoléon. Infortunes français ! c’est ainsi qu’instrumens vils et victimes de la plus détestable tyrannie , vous êtes encore en butte à la haine qu’elle inspire ? Le tyran vous confond avec les peuples qu’il opprime , et les peuples qu’il opprime vous confondent avec le tyran. On vous dit que , pour aller vous ranger sous les drapeaux de Bonaparte , vous passerez devant ses trophées , que vous traverserez les capitales des nations qu’il a vaincues. Oui , vous-les traverserez ces villes livrées à l’insatiable rapacité du brigand que vous servez ; vous verrez la misère des peuples , vous marcherez sur des décombres , vous entendrez les malédictions dont on charge les français , et vous reconnaîtrez là les monumens de sa gloire ! Mais peut-être ne les verrez-vous qu’une fois ; peut-être qu’un jour suffira pour briser les fers de ces peuples qui attendent si impatiemment votre défaite. C’est vainement , alors que le tyran aura fait venir dans les rangs de son armée les conscrits des rives du Tesin et du Pô. C’est vainement qu’il aura confié les places prussiennes aux troupes de la confédération du Rhin ! Il s’élèvera un cri général de vengeance chez tous les peuples à qui il reste le sentiment de leur force et l’espoir d’une prochaine délivrance. Vos victoires ont anéanti , sur tout le Continent d’Europe , et les anciens droits et les anciens rapports politiques. Cette destruction vous deviendra alors funeste ; et les princes que vous avez dégradés aux yeux les peuples , n’auront plus même la faculté d’être pusillanimes quand les peuples voudront se venger !

On doit reconnaître que l’imprudence de Bonaparte l’a conduit au bord d’un précipice qui , à chaque instant , se creuse davantage sous ses pas. Avant les derniers événemens de la Pologne , il n’avait jamais été question , dans les armées révolutionnaires , de prendre des quartiers d’hivers. Cette stagnation seule décèle les embarras de l’usurpateur ; son retour à Berlin , annoncé dans cette ville , sa prochaine arrivée à Paris , annoncée par quelques journaux français , et la continuation de son séjour à Varsovie , sont des circonstances remarquables. On ne voit pas trop comment Bonaparte pourrait quitter , dans ce moment , son armée , ni comment il pourrait y rester tout l’hiver. Les forces russes

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s’accumulent devant lui , et les 80 mille conscrits dont on menace , à la fois , et les armées de l’empereur Alexandre et les insurgés hessois , n’ont pas encore traversé l’Allemagne. On est obligé de faire rétrograder les troupes qui étaient à Hambourg , pour contenir la Hesse , ce qui prouve qu’il n’y a pas sur le Rhin des troupes disponibles. En un mot , la prudence même semble n’avoir plus rien à suggérer pour détourner les dangers qu’ont fait naître de toutes parts une extravagante et insatiable ambition.

      Extrait du Courrier d’Angleterre.

                                                                                                                                                           

E T A T   D ’ H A Y T I.

Du Cap , le premier Juillet.

Quelques Réflexions sur le prétendu

S é n a t  du  Port-au-Prince.

Avant de donner connaissance des actes émanés de cette réunion d’hommes qui , contre tous les principes constituants essentiellement un corps législatif , s’est impudemment arrogé le titre de Senat conservateur de la République d’Haïti ; avant de passer en revue les divers individus qui composent ce nouveau Club machiavéliste , il est important de développer aux hommes inattentifs au maintien de leurs droits ou aveuglés par les tours de gibecières de quelques charlatans , les vérités immuables et éternelles sur lesquelles repose l’édifice de toutes constitutions sociales. Rectifier l’opinion de mes Concitoyens ou les éclairer sur l’existence illégitime de ce sénat , sur sa composition illégale et sur ses injustes usurpations , voilà le précieux objet de cet écrit ; d’où nous déduirons, sans peine , que cette corporation monstrueuse est le présent le plus funeste , le fléau le plus destructeur que jamais l’esprit infernal ait vomi sur cette terre , et qu’il est du devoir de tout bon Citoyen d’en repousser , sans relâche , la pernicieuse influence.

Partons d’un principe incontestable , qui est que le droit de faire les lois et d’exercer la souveraine puissance , n’appartient qu’aux personnes revêtues de la confiance et des pouvoirs du peuple , et qu’il a librement et légalement élues ; en effet , comment oser remplir les fonctions de législateurs , si l’on n’a pas été nommément appelé à cet emploi par le choix et le suffrage de ses concitoyens? Comment oser se flatter de posséder la confiance si nécessaire des constituans , si l’on n’est pas soi-même un constitué fidèle et avoué? Et comment sur-tout avoir la ridicule prétention de s’attribuer la qualification de Sénat conservateur d’un pays , lorsque les deux tiers de la population de ce pays n’y sont pas représentés , ou ne l’y sont que par des voies injurieuses et illicites ? A-t-elle enfin réuni , cette congrégation vicieuse , toutes les conditions et qualités requises  qui constituent de fait et de droit le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif? Non , sans doute , bien loin d’avoir atteint ces premiers degrés de perfection nécessaires , à l’aide desquels d’autres usurpateurs , plus habiles que ces ambitieux , sont parvenus à asservir leur patrie , je démontrerai , au doigt et à l’œil , 1o que ce sénat s’est illégalement constitué ; 2 o qu’il est incompétent ; et 3 o que les élémens impurs et hétérogènes dont il est composé , sont diamétralement opposés au grand œuvre de la régénération.

Je dis , premièrement , que ce sénat s’est illégalement constitué , et je vais les prouver. N’est-il pas notoire , par des actes imprimés et rendus publics , que vingt-cinq députés des deux divisions du Nord et de la première de l’Ouest ont formellement protesté , dès le commencement des travaux de l’assemblée , contre l’irrégularité de ses procédés et le vice de sa composition? N’est-il pas appert que ces mêmes députés ont articulé dans l’acte de protestation (protestation faite en temps et lieux ) que

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la partie du Sud et la deuxième division de l’Ouest , aux fins de s’assurer une odieuse majorité , tant dans les délibérations que dans les élections , ont fourni un nombre de dix-huit députés excédant la juste proportion que comportait l’étendue de leur territoire ? Cette première infraction des lois qu’imposent les conventions sociales ; ce premier débordement annonçait dès-lors un fleuve élancé des limites naturelles de son lit , pour tout inonder. Aussi , cette assemblée, dès son début , se trouvait-elle atteinte du sceau de l’injustice , et par conséquent frappée de nullité au tribunal des êtres réfléchissans , qui répugnent à des démarches inconséquentes et subversives de tout esprit de droiture et d’équité.

Je dis , en second lieu , que ce sénat est incompétent , et rien de plus facile à démontrer. Puisqu’on ne peut révoquer en doute que les sept huitièmes des députés des deux divisions du Nord et de la première de l’Ouest , justement indignés de l’abus que d’infâmes constitués faisaient de la confiance , de l’esprit et des pouvoirs de leurs constituans , se sont retirés du sein de cette assemblée pour retourner auprès de leurs commettans , il est donc de toute vérité de dire que les deux divisions du Nord et la majeure partie de l’Ouest ne se trouvent pas représentées ; et puisqu’on ne peut faire autrement que de m’accorder ce point , on conviendra , avec moi , que ceux qui s’intitulent les plénipotentiaires des deux divisions du Nord et de la première de l’Ouest, ne sont pas précisément ceux-là que la population de ces endroits avait désignés et choisis pour transmettre  l’expression de leur volonté ( volonté qui , certes , importait à la création de la loi , qui n’est par elle même que l’expression  raisonnement , on se convaincra aisément que ce sénat n’ayant pu se porter au complet qu’en substituant aux véritables mandataires de la plus forte portion de l’île , des personnages inconnus et non avoués de la partie lézée et récriminante ; ce sénat , dis-je ? est de fait et de droit incompétent , et en conséquence inhabile à donner des lois aux vrais amis de l’ordre et de la prospérité publique.

Passons au troisième point , où j’ai posé en fait que le élémens impurs et hétérogènes dont ce sénat est composé , sont diamétralement opposés au grand œuvre de la régénération ; je n’ai besoin , pour persuader de cette assertion , que de jeter un coup de pinceau , et sur l’immoralité de ses membres et sur leurs entreprises attentatrices aux droits du peuple et à la sûreté des citoyens. Ne sont-ce pas ces brigands titrés qui , donnant à des pouvoirs usurpés toute la latitude que déployé à leurs yeux le délire des passions , s’efforcent de ravir aux lois leur vertu , au successeur naturel et légitime ses droits et sa dignité , au peuple sa garantie, et aux sources fécondes qui enrichissent l’Etat leur libre et véritable épanchement ?

Il suit des vérités que je viens d’établir , cette conséquence nécessaire que , garder plus long-temps le silence sur un pareil mépris de toutes notions conservatrices des conventions humaines et des rapports sociaux , c’est partager les crimes d’une poignée de factieux qui déchirent avec fureur le sein de leur mère.

La suite au Numéro prochain.

                                                                                                                                                           

A  V  I  S     D  I  V  E  R  S.

Il a été volé , le 10 Juin dernier , sur l’habitation Chatelin , aux Gonaïves , un Cheval , poil gris blanc , étampé  sur la cuisse du montoir APL entrelacés , à l’épaule du même côté GV , au bas de la crinière MT , ayant un œil couvert d’une blancheur , la queue grande , marchant l’amble. Ceux qui en auront connaissance sont priés d’en donner avis à M. Joseph Latortue , rues Saint-Louis et Taranne , No 662 , au Cap.

                                                                                                                                                           

Au Cap , chez P. R o u x , imprimeur de l’Etat.

25 Juin 18079 Juillet 1807

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