23 Juillet 1807

About This Publication

This issue contains the first of a series of poetic jokes and puns in a section called, “Varieties.” The particular joke that appears in this issue is directed at the Senate of Port-au-Prince and finishes by likening this political body to an “ass.” Subsequent issues of the Gazette will publish anagrams, acrostics, airs or songs, and other forms of poetry popular in the early nineteenth century.

*Provenance: British Library

(  N u m é r o   12.  )

                                                                                                                                                           

GAZETTE OFFICIELLE

d e

L’ É T A T   D ’ H A Y T I,

Du  J e u d i   23  Juillet  1807 , l’an quatrième de l’indépendance.

                                                                             

Chaque Peuple , à son tour , a brillé sur la terre.

Voltaire , Mahomet.

                                                                                 

E  T  A  T    D ’ H  A  Y  T  I.

Suite des Réflexions sur le prétendu

S É n a t  du  Port-au-Prince.

Q u e  dire d’un certain Depas Médina , qui, parce qu’il s’est frayé une méthode routinière à l’aide de quelques formules bien ou mal retenues , s’imagine qu’il a la science infuse, et croit que les productions de Montesquieu sont autant de larcins que cet heureux devancier lui a faits dans la carrière législative ? Mai pourquoi vous en étonner ? Ecoutez – le ; il vous dira que dans une tête façonnée tout exprès pour être la satire des notaires passés , l’écueil des notaires présens , et le désespoir des notaires futurs , il fallait bien que le talent du parfait législateur se trouvât , un beau matin , renfermé ; tant il est vrai que , suivant l’échelle des proportions graduelles qui rapprochent les diverses espèces et les diverses sciences les unes des autres , il n’est qu’un pas à faire d’un art à un autre art , comme d’un animal à un autre animal. Oui : M. Depas Médina , d’accord sur le principe ; mais les conséquences que vous en tirez sont fausses. Les nuances intermédiaires qui établissent ces rapports , sont graduées et presqu’insensibles , dame nature nous a enjoint d’en ménager les progressions délicates , et ma foi ! le saut que vous venez de faire est si gigantesque , qu’on est forcé de convenir qu’il n’est pas donné à tout le monde d’aller , de la même manière que vous , à Corinthe.

N’apperçois-je pas à la tête de ce phénomène littéraire l’illustre Manigat , qui , par ses manigances , s’est rendu la cheville ouvrière de l’affaire du Fort – Dauphin ? En l’an six (style français ) vaincu par le gouverneur général Toussaint Louverture, et devenu son prisonnier , il lui confessa que ses torts ne devaient être imputés qu’a sa faiblesse et à l’ascendant qu’avait alors acquis sur son esprit un de ses secrétaires nomme Rafin. Cet automate , qui ne rougira pas un jour de se disculper en alléguant l’influence qu’exercent aujourd’hui ses collègues , n’est mu que par un sordide intérêt. Henri IV disait plaisamment : Sandis ! Paris vaut bien une Messe ; Manigat se dit en lui-même , ah ! dame , quatre gourdes à dépenser par jour valent bien la peine de perdre de vue le clocher de son village.

Quel est cet original , ce fanfaron , dont l’impudence contraste si fort avec l’air

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recueilli et modeste du général Magloire Ambroise , de Magloire , cet homme de bien qui , reconnu sénateur à peu près de la même manière que Crispin est devenu médecin ( c’est-à-dire malgré lui ) ne s’est décidé à en accepter le titre , que dans l’espoir , hélas ! trompeur de profiter de cette occasion pour coopérer plus efficacement au bonheur de son pays ? Ce freluquet est Lamothe Aigron : on ne sait comment il est parvenu au grade de général ; il l’ignore lui-même , et c’est un problème à résoudre pour ceux qui ont la bonhommie de penser que le sang versé aux champs d’honneur étant la marque certaine des héros , à eux seuls appartiennent les décorations d’un grade supérieur. Comment en effet concilier le rapide avancement de ce parvenu avec la nullité de ses moyens et sa réputation tout au moins équivoque ? Sous quels drapeaux a-t-il fait son apprentissage ? Quels lieux ont attesté la valeur de son bras ? Est – ce pour avoir lâchement trahi les divers Chefs sous lesquels il a , tour à tour , rampé et pour avoir payé de la plus noire ingratitude le général Moyse , dont il a provoqué la disgrâce par des dépositions aussi fausses que vagues ; que ce serpent ,  réchauffé trop long temps dans le sein de ses bien-faiteurs , s’est glissé au faîte des honneurs ! O bizarre fortune ! ce sont là de tes jeux ! A qui , Déesse injuste et bizarre , donne tu les dignités? Et toi , Bellone , jusqu’ici l’idole des vrais guerriers ! qui voudra désormais encenser tes autels , si tes plus précieuses faveurs sont prodiguées à de pareils Thersistes , qui , semblables à ces oiseaux carnaciers que l’odeur de la poudre incommode et disperse , importunent sans cesse l’oreille de leurs vains croassemens ? Si cependant le général Lamothe Aigron n’est pas encore inscrit aux fastes de la gloire , personne ne convient mieux que lui à une mission pécuniaire , et il excelle en ce genre ; ce qui prouve que la nature , infiniment sage dans la dispensation de ses dons , a départi , aux différens individus , les qualités compatibles avec leurs caractères. Lamothe Aigron est si convaincu que sous ce rapport sa réputation est solidement établie , qu’il se flatte d’être un jour l’intendant du personnage important vers l’oreille duquel il se penche d’une manière confidentielle. Celui dont il s’étudie à gagner la confiance , et bientôt après à divertir le numéraire , est le général Yayou ; officier que l’on considère , parce qu’on en a besoin ; que l’on met en évidence , parce que de certaines raisons politiques le veulent ainsi , et que l’on saura bientôt briser , du moment qu’il sera un instrument inutile ; car on doit projetter intérieurement de lui , au Port-aux-Crimes, ce que l’on disait de Rigaud dans la Gazette l’Aurora de Philadelphie , à l’époque où cet ambitieux , destiné à devenir visible ou invisible , selon que l’atmosphère serait plus ou moins charge en cette île , y débarqua à la suite de l’expédition française , dont il était un ressort conditionnel.

A la gauche de ce général postiche , n’apercevez-vous pas l’orgueilleux David Trois , ancien satellite du roitelet  Rigaud? Avec quel air de suffisance il raconte , comment , pour ne pas survivre au bonheur de ses concitoyens , il a avalé d’une dose d’arsenic préparée à Léogâne , tout juste autant qu’il n’en fallait pour ne point trépasser ? Comment , après ce beau désespoir et à la suite d’une infinité de circonstances honorables pour son patriotisme , il s’est vu obligé d’implorer la protection du gouverneur général Toussaint Louverture ? Comment , après que ces hautes œuvres ont été découvertes par ce Chef , il s’est donné un coup de pistolet dans le ventre , avec assez d’adresse cependant pour n’en être pas mortellement atteint ? Comment , après ce tour de force , il a obtenu la confiance des français , au point qu’ils l’ont

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préposé au commandement du fort du Mirebalais , lequel il a habilement évacué , sans tambour ni trompette , à l’approche de l’armée indigène ? Comment , il a figuré dans les événemens tragiques du Port-aux-Crimes ? Comment , il n’a pu participer de ses propres mains , comme il le désirait , au massacre des Mentor , des Boisrond et des Guillaume Lafleur ? Comment enfin , il est un des coryphées de la faction favorite qui bientôt va l’élever au généralat, dignité qu’il ambitionne singulièrement , et pour laquelle il est prêt à tout sacrifier. Ce grand hableur ne finirait pas l’énumération de ses gentillesses , si un certain quidam ne venait l’interrompre d’une manière désagréable.

La suite au Numéro prochain.

                                                           

Suite du Rapport sur l’Expédition des Gonaïves.

Comment n’être pas révolté d’indignation , lorsqu’un Bazelais soutient effrontément que notre perte a été considérable ? Si elle l’eut été comme le prétend ce vil artisan du mensonge, il ne restait donc plus personne de notre côté ; car il est notoirement connu que la garnison des Gonaïves ne se trouvait composée que de soixante hommes , et puisque tous nos guerriers étaient tombés sous les coups de cet homme redoutable , c’était une raison de plus pour l’engager à aller visiter la plaine des Gonaïves. Comment se fait-il que ce conquérant , devant lequel rien ne résiste , n’ait pas cherché à renouer connaissance avec le général  Magny , cet officier expérimenté qu’on ne surprend pas aisément deux fois , qui avait déjà fait ses dispositions pour le bien recevoir , et qui sur-tout n’est pas dans l’habitude de se déguiser aux champs de l’honneur , à l’instar du célèbre Pétion qui , malgré son travestissement et un chapeau de soldat qu’il avait attrapé à la course pour favoriser son brusque départ d’un poste qu’il ne devait quitter que le dernier , ne laissa pas que d’aller se jeter dans un marais derrière le Port-au-Prince , où il demeura embourbé jusqu’au cou pendant l’espace de vingt-quatre heures , peu différent en cela d’Annibal , chef des Carthaginois , duquel il se rapproche beaucoup , si ce n’est par les talens militaires , au moins par la ruse et la perfidie qui font l’essence de son caractère. ( Particularité qui , prêtant singulièrement à la plaisanterie , pourrait être difficilement crue , mais qui peut être attestée par MM. Williams , Boucle , et divers autres négocians américains qui étaient alors au Port-au-Prince. ) Quand au peu de pertes que nous avons éprouvé devant les Gonaïves et à la gloire que cette expugnation réfléchit sur nos armes , j’en appelle au témoignage de ces mêmes américains , de ce même Lewis , temoins de la fuite honteuse de ceux qu’ils ont reçus à leur bord qui , interpellés au tribunal de l’honneur , ne pourront que déposer en faveur de la vérité.

En vain S. E. le Président s’était flattée qu’au milieu de ces événemens , un hazard heureux lui offrirait le fameux Pétion ; il paraît que ce dernier est aussi soigneux de l’éviter , que Son Excellence est jalouse de le rencontrer. Le demi-Dieu du Sénat , tel qu’un chat matois qui guette une souris, épie tous les mouvemens de S. E. le Président pour savoir s’il doit avancer ou reculer. Cette assertion est prouvée jusqu’à l’évidence , car du moment qu’il a connu l’arrivée de S. E. le Président aux Gonaïves, il s’est replié sur le pont de Mont-Rouis , où il a établi son quartier général , et à peine il est parvenu à sa connaissance que le chef de l’état s’avançait sur Saint-Marc , qu’il a ordonné précipitamment la retraite.

Ainsi , malgré la trahison qui a existé aux Gonaïves de la part de quelques hommes faibles ou pervers , ni Pétion ni ses adhérens n’ont vu le succès couronner leurs incursions ; par-tout ils ont

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échoué , par-tout ils ont été vaincus , et ont été obligés de fuir honteusement ; le seul nom du Président d’Haïti a suffi pour les dérouter , les vaincre , les annihiler. Tel est le sort que subiront bientôt les hommes crédules qui ont embrassé le parti de la révolte. Les insensés qu’ils sont ! ils s’apercevront un jour , mais hélas ! trop tard , que servir un tas d’ambitieux et depuis long-temps reconnus pour tels , c’est courir de gaieté de cœur vers une perte inévitable. Qu’ils tremblent , en mesurant des yeux le précipice entr’ouvert sous leurs pas ! Cœurs ingrats et endurcis ! Quoi ! les plus affreux désastres ont épouvanté vos regards sans que votre orgueil se soit amolli ? Nourris depuis long – temps à l’école du malheur et de l’expérience , vous ne connaissez pas encore les dangers de votre position ? Considérez un moment que des hommes qui n’ont jamais connu ni frein , ni autorité , ne trouvent leur bonheur que dans l’anarchie et la désorganisation , seul état de chose qui convienne à qui n’ayant rien à perdre à tout à gagner. Réfléchissez sur cet être immoral que vous déifiez ; que le masque tombe , et que l’homme paraisse tel qu’il est. Ne l’avez-vous pas vu cet infernal Pétion , sous le masque hypocrite de la modestie et du désintéressement , tromper tour-à-tour , depuis seize ans , non-seulement le chef de la faction dont il s’est déclaré aujourd’hui le restaurateur , mais encore le vertueux général Toussaint Louverture , qui l’avait comblé d’honneur , et depuis le Gouvernement français , qui l’avait honorablement employé? Juste Ciel! et c’est lui qui se vante par-tout qu’il jouit exclusivement de la confiance des troupes , lui qu’aucun fait militaire n’a illustré , qui n’est connu que par ses nombreux revers , lui qui n’a pas été plus heureux aux Gonaïves et à Saint-Marc , qu’il ne l’avait été à Sibert , lui enfin qui n’est pas plus en sûreté au Port-aux-Crimes , que naguères il ne l’était à Jacmel. Cependant , à l’entendre parler , c’est à lui que sont dues les bénédictions publiques. Sur qui , Dieu tout – puissant ! lancerez – vous les éclats du tonnerre , si vous épargnez cet opprobre du genre humain ?

Mais c’est peu pour cette horde de brigands d’avoir porté par – tout le fer et la flamme , leurs vils émissaires , ayant le mot de vertu à la bouche et l’empreinte du crime dans le cœur , se plaisent , de tous côtés , à égarer la portion du peuple la moins éclairée ; que dis-je ? ils cherchent à abuser même les étrangers , à surprendre leurs religion par des écrits empoisonnés. Tout est du ressort de ces scélérats , tout leur convient , pourvu qu’ils sacrifient à leur idole favorite. N’est – ce pas un des vils agens de Pétion ? N’est-ce pas , dis-je ,  le traître Fouquet , qui , aidé de quelques autres agitateurs , a soulevé la montagne du Port-de-Paix , les troupes et les cultivateurs?  Hé bien ! après avoir organisé la révolte , ne les a – t – il pas lâchement abandonnés pour se retirer au Port-au-Prince ; laissant ces malheureuses victimes de ses fourberies en proie à la vengeance des lois ? Le nommé Rebeca , qu’ils avaient nommé chef de l’insurrection le Dimanche 17 du mois de Mai , paya de sa tête , le jeudi suivant , la peine due à ses forfaits.

La suite à l’ordinaire prochain.

                                   

V  A  R  I  É  T  É  S.

L e   P o r t i e r   d u   S é n a t.

Qui frappe ? ami ; c’est moi ; mais qui vous ? un profane ,

Dont le zèle au Sénat voudrait s’initier.

De mentir , de tromper connais-tu le métier ?

Je n’ai pas ces défauts , que la vertu condamne.

Hé ! bien suis ton chemin , repartit le Portier ;

Va t’adresser ailleurs , tu n’es encore qu’un âne.

                                                                                                                                                           

A  V  I  S   D  I  V  E  R  S.

On vend à l’Imprimerie l’Alphabet pour apprendre à lire , des Cantiques spirituels , le Catéchisme pour faire la Communion , le Saint Suaire de Notre – Seigneur , et la Neuvaine à saint Antoine de Padoue.

                                                                                                                                                           

Au Cap , Chez P. R o u x , imprimeur de l’Etat.

16 Juillet 180730 Juillet 1807

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