28 Mai 1807

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This issue continues with reports from the debates over the abolition of the slave trade taking place in England. The article recites the testimony of one British parliamentarian who alludes to the familiar fear that the Haitian Revolution might spread to “adjacent islands.” The issue finishes with an address to the Haitian people by the Catholic priest, Father Corneille Brelle, Préfet apostolique de l’Etat d’Haïti.

*Provenance: British Library

(  N u m é r o   4.  )

                                                                                                                                                           

GAZETTE OFFICIELLE

d e

L’ É T A T   D ’ H A Y T I,

Du  J e u d i   28  Mai  1807 , l’an quatrième de l’indépendance.

                                                                             

Chaque Peuple , à son tour , a brillé sur la terre.

Voltaire , Mahomet.

                                                                                                                        

 

P A R L E M E N T   I M P É R I A L.

C  h  a  m  b  r  e    d e s     P  a  i  r  s.

Suite des Discours prononcés à l’appui du

   bill portant abolition du Commerce des

   Esclaves.

EN 1792 on avait pris un arrêté portant qu’il serait pris des mesures pour abolir le commerce des esclaves à certaines époques ; mais quand ces mesures avaient été ensuite proposées ; elles avaient été rejetées , et la seule chose qui eût été faite , avait été de prier Sa Majesté de recommander aux législateurs des diverses îles de faire des règlemens pour l’amélioration du sort des esclaves. On voyait , par la correspondance de lord Seaforth , quels égards ou avait eus pour la recommandation du Roi. Lorsque le noble Lord avait pris le commandement de la Jamaïque , il avait trouvé que le meurtre d’un nègre n’était punissable que d’une faible amende d’onze livres sterling. En effet , ce meurtre n’était pas considéré comme un crime ; jusques-là qu’on avait mis en question dans une des cours de justice coloniales si c’était un délit. Lord Seaforth avait rendu compte de trois exemples de meurtres , et lorsqu’il avait pressé la législature de la Barbade d’amender les lois à cet égard , la proposition du représentant du Roi et la recommandation de Sa Majesté avaient été accueillies avec insulte et dédain. L’un de ces meurtres avait été commis par un milicien , qui , en revenant de l’exércise, avait plongé sa bayonnette dans le sein d’une négresse qui passait accidentellement. Lorsqu’on lui avait reproché son crime , et qu’on l’avait menacé de le punir , il s’était écrié : « Puni , quoi ! pour avoir tué une négresse ! Un blanc pour avoir tué un noir » ! avec autant de brutalité que ferait un charretier à qui l’on reprocherait de fouetter son cheval ; et c’est , a dit S. S. , de telles personnes et des législatures qui les soutiennent, que l’on veut que nous attendions des règlemens qui ameliorent assez la condition des malheureux nègres pour qu’il soit inutile d’abolir le trafic inhumaine qui est l’objet du bill !

Le lord Grenville a été interrompu par le comte de Morton , qui s’est plaint de ce qu’une personne prenait des notes à la barre , en infraction directe aux priviléges de la chambre.

Lord Eldon a observé qu’il appartenait au lord Chancelier de faire cesser cet abus.

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Lord Holland a dit que cela n’appartenait pas plus au Chancelier qu’à tout autre Lord ; que la chambre entière était la conservatrice de ses privilèges , et non le noble Lord , qui faisait les fonctions de son président.

Lord Morton a répliqué que si l’on insistait sur ce point , alors ils ferait la motion que l’on fît sortir les étrangers.

Cette conversation a cessé là , et lord Grenville a repris son discours , mais les Officiers de la Chambre des Pairs ont mis strictement à exécution le règlement qui défend de prendre des notes , et conséquemment les rapporteurs n’ont pas pu mettre par écrit la suite de ce discours , que S. S. a terminé par un brillant éloge des talens , des verturs , de l’éloquence , du zèle et de la perseverance de M. Wilberforce , à qui , a – t – il dit , des millions d’hommes à naître devront le grand bienfait de l’abolition du commerce des esclaves.

S. A. R. le duc de Clarance voyait avec plaisir que l’on admît que les négocians qui faisaient actuellement le commerce des esclaves , le faisaient sous la sanction du parlement. Des personnes qui n’avaient aucune connaissance locale du sujet , avaient declamé , mal à propos , contre ce trafic. Quant à lui , ses habitudes lui avaient fourni l’occasion de recueillir le témoignage des personnes les mieux instruites des faits réels ; il avait visité toutes les îles et avait conversé avec les hommes les plus habiles et les plus expérimentés sur leur culture , leurs productions , leur climat et leur population ; il pouvait donc , avec connaissance de cause , assurer que la condition des nègres avait été améliorée , que leur population augmentait , et qu’ils étaient traites avec assez d’humanité pour que le bill actuel fût inutile. Il était assez singulier qu’après des déclamations aussi ampoulées sur les cruautés exercées envers les nègres , on n’en eût cité qu’un ou deux exemples.

Dans la réalité , la nature humaine était à pen près la même dans tous les pays , et les planteurs avaient aussi bien que le noble Lord , des cœurs sensibles aux souffrances de leurs semblables. Si nous abandonnions ce commerce , d’autres pays s’en empareraient , et ne traiteraient pas les africains si humainement. Son abolition serait donc illusoire et absurde , puisqu’il tomberait en de pire mains , et qu’il serait continué alors , et entraînerait à sa suite de plus grands maux encore que ceux dont les ennemis de ce commerce se plaisaient tant à faire l’énumeration. L’exemple de Saint – Domingue nous avertissait de ne pas faire , sans nécessité , de nouvelles expériences. La population de ce riche pays avait été réduite , depuis l’insurrection , de 250 mille âmes à 100 mille ; et il était encore incertain si les mêmes horreurs ne feraient pas , dans les îles adjacentes , les effets de l’innovation projetée. L’une des conséquences de l’abolition , serait que le Roi deviendrait , par le grand nombre des saisies ( car toute la marine anglaise ne suffirait pas pour empêcher ce commerce ) le plus gros marchand d’esclaves de l’Univers. Il s’ensuivrait encore une diminution de nos forces maritimes , parce que c’était le commerce d’Afrique , plus qu’aucun autre , qui alimentait notre marine militaire , à laquelle le nom de la Grande-Bretagne était redevable de toute sa gloire. Les revenus de l’Etat , qui servaient à entretenir cette marine , souffriraient une grande diminution. On avait déjà  cité plusieurs grands personnages qui , non-seulement avaient approuvé ce commerce , mais même avaient contribué à son établissement ; S. A. R. en connaissait d’autres encore qui étaient l’ornement de leur profession ainsi que de leur pays , et dont les sentimens étaient les mêmes ; elle pouvait nommer entre autres un illustre amiral ( lord Nelson ) avec lequel elle avait été intimement liée , et qui en tant d’occasions , avait été l’objet de l’enthousiasme et des actions de grâces d’un peuple reconnaissant. Si ce bill passe , a dit S. A. R. , je ne doute pas que ses partisans n’ayent bientôt à se repentir de leur précipitation ; et que , dans trois ou quatre ans , si les ministres actuels restent aussi longtemps en place , ils ne reviennent sur leurs pas , et ne demandent le rétablissement de ce trafic ; mais quel

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que puisse être l’événement sous d’autres rapports , il est parfaitement clair pour moi , que sans ce commerce , les îles occidentales seront perdues pour l’Angleterre ; et que sans les îles occidentales , ç’en sera fait non-seulement de la dignité et de la prospérité de la nation , mais encore de son existence même , comme empire indépendant.

La suite au Numéro prochain.

                                                                                                                                                           

E T A T   D ’ H A Y T I.

                                 

M  A  N  D  E  M  E  N  T.

C O R N E I L L E ,

Préfet apostolique de l’Etat d’Haïti ,

Au Clergé et à tous ses Fidèles.

Salut en notre Seigneur Jésus Christ.

La religion chrétienne mise au rang des sectes profanes ; les ministres du Seigneur flétris dans leur caractère , dans leurs talens , et même dans leurs vertus ; les mystères les plus redoutables de cette religions sainte , tournés en ridicule , livrés à des mains impies , ignorantes et sacrilèges ; les lieux saints servant de théâtre à la licence , au libertinage et au scandale ; les vérités évangéliques mises en problème ; la morale avilie , dégradée , et même proscrite . . . ! Quel démon a évoqué tant de malheurs ? Ah ! n’en doutez pas , nos très chers Frères , c’est la philosophie moderne ! Encore un moment , et la religion et ses ministres , et la morale , tout était précipité et englouti dans le même abîme !

Si au milieu de ce cahos [sic] , de ces ténèbres effrayantes , nous n’avons point fait usage des pouvoirs spirituels , qui , depuis long-temps nous sont confiés , c’est que notre zèle devait être prudent ; c’est que les intérêts de la religion et les vôtres , exigeaient cette précaution de notre sollicitude. Si nous avons été muets au milieu de vous , si nous n’avons donné nos soins qu’aux paroisses dont nous sommes le pasteur particulier , n’attribuez cette conduite , ni à notre indifférence , ni à la crainte de faire notre devoir , mais au sentiment de notre devoir même et à l’amour que nous vous portons ; il nous était impossible de mêler l’exercice de nos fonctions à des principes erronés , et de poser le rétablissement de la religion sur des bases fragiles et impies.

Nous espérions , nos très-chers Frères , vous voir jouir à la fois des avantages inappréciables de la religion et de la paix. Dieu a voulu que notre espoir n’ait pas été entièrement vain ; et si sa main divine a mêlé notre joie des plus grandes amertumes , si cette joie est troublée par les plus vives douleurs ; hélas ! c’est peut-être que nos cœurs n’étaient pas assez purs pour jouir de la plénitude de ses bienfaits. Mais implorons sa miséricorde ; mêlez vos prières aux nôtres ; que la ferveur de nos supplications , que l’unanimité de nos vœux fassent au Ciel une sainte violence , et la paix sera établie à Haïti , et nous réparerons encore les pertes et les malheurs dont nous sommes depuis long temps les tristes victimes ; ils sont grands , sans doute ; ils sont incalculables ces maux , ces malheurs ; il est impossible d’en être témoins sans frémir… ! Nous nous estimons heureux d’avoir été choisi pour consoler des malheureux , pour prévenir ou essuyer vos larmes , pour adoucir , par les consolations de notre ministère , l’amertume de votre état , et vous proposer les ineffables dédommagement réservés à vos privations , à vos douleurs et à votre patience dans la vie future.

N’oubliez pas , nos très-chers Frères , que les pauvres et les affligés ont plus de droit que les autres au royaume des Cieux. Pour nous , nous savons qu’ils nous promettent plus de fruits de nos travaux , plus de consolation dans notre ministère , que les riches et les heureux du siècles ; c’est aux pauvres , et ce n’est qu’aux pauvres que le souverain Pasteur a été envoyé. Consolez-vous donc de vos pertes , de vos malheurs , par le rétablissement de la religion.

Nous ne ménagerons ni soins , ni fatigues pour alléger vos peines et adoucir vos maux ; nous ne nous servirons des ressources de notre ministère que pour vous porter à remplir , par amour , ce que nous devons à Dieu , à la société , à la patrie ; pour vous faire sentir que la religion est votre bien le plus précieux , et que vous devez vous conduire en tout par ses inspirations. Nous espérons que notre ministère ne sera pas inutile pour vous et pour l’ordre public , que vous y trouverez des

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consolations réelle dans vos peines, des adoucissemens dans vos afflictions, et peut-être des soulagemens dans vos besoins. Aucun sacrifice ne nous coûtera, pour vous rendre éternellement justes et heureux.

Vous entrerez dans nos vues, nous en avons la plus grande confiance ; vous tous, ministres du Trés Haut, qui , par état, êtes chargés avec nous de gouverner le troupeau , nous exerçons avec vous un seul et même ministère. Si nous avons quelque autorité sur vous, c’est pour régler l’exercice de votre sacerdoce selon les saints Canons , pour conserver l’unité , sans laquelle nous ne pouvons espérer aucun fruit de notre ministère , pour rétablir la subordination , qui met chacun à sa place, et maintenir l’harmonie, qui fait toute la sûreté, toute la force, toute la gloire d’une église particulière, comme de l’église universelle. Nous mettrons notre plus solide gloire à vous regarder comme un d’entre nous, à vous traiter comme nos amis et nos frères. Nous n’aurons jamais de plus solide consolation que de nous éclairer de vos conseils, d’applaudir au bien que Dieu fera par votre ministère, de mériter votre confiance, d’agir avec vous dans un saint concert.

Nous vous recommandons sur-tout, nos vénérables Frères , d’attacher tous les esprits à l’Autorité légitime, par vos exhortations et par vos exemples ; d’éclairer les hommes simples que l’on égare, de leur faire voir l’horreur des crimes que les méchans voudraient leur faire commettre, de leur faire mesurer la profondeur de l’abîme que la perfidie creuse sous leurs pieds, et tous les malheurs qu’elle veut attirer sur leur tête; réprimez par la sévérité de notre ministère, les esprits inquiets, indociles et turbulens, qui, par leurs discours et par leurs exemples, portent les autres à la désobéissance et à la rébellion; car rien n’est plus formel dans l’évangile; Que la soumission à ceux qui gouvernent. Vous développerez ces maximes évangéliques dans vos instructions; mais n’ayez que des sentimens de compassion dans le cœur et des paroles de consolation à la bouche, pour encourager ceux qui reconnaîtraient leurs erreurs et voudraient devenir de leurs égaremens. Nous sommes leurs pasteurs , nous sommes leurs pères , le Gouvernement lui-même leur recommande de nous considérer comme tels; instruisons-les, aimons-les, traitons-les comme nos enfans. Nos entrailles seront déchirées, tandis que nous les verrons séparés de nous, tandis qu’ils ne seront pas heureux comme nous. Eh! peut-on être heureux quand on suit le parti des méchans, des ambitieux, des fourbes?

Vous nous aiderez, nos vénérables Coopérateurs, à avancer cette œuvre de religion et d’humanité, à faire régner parmi le peuple d’ Haïti, confié à nos soins, la raison, la justice, la paix et l’union chrétienne!

Nous n’avons, pour-cela, qu’à suivre les intentions du Gouvernement et à imiter l’exemple de Son Excellence le Président et Généralissime des forces de terrés et de mer de l’Etat d’Haïti ; sentimens consignés dans toutes ses Adresses , dans toutes ses Proclamations; sentimens trop précieux, trop consolans , pour ne pas faire impression sur nos cœurs.

Vous tous enfin , nos très -chers Frères, Prêtres et Fidèles, qui, avez du zèle pour la loi du Seigneur, élevez au Ciel des mains suppliantes pour fléchir sa justice et attirer sa miséricorde; car , hélas ! sans la grâce toute-puissante du Très-Haut, nos prières et nos gémissemens n’opéreront rien; demandez que Dieu parle au cœur, de ceux qui font le mal, qu’il les retire, de leur endurcissement, qu’il réveille leur conscience par de salutaires remords, qu’il la brise par le repentir et la douleur, qu’il les fasse tomber aux pieds de leur Chef légitime, dont les bras paternels sont ouverts pour les recevoir et leur donner le baiser de paix, qu’il fasse enfin cesser le fléau mortel de la guerre civile. Donnez les premiers l’exemple de la piété et de la pénitence. Le Gouvernement ne connaît point d’autre religion que la religion catholique, apostolique et romaine dans l’Etat d’Haïti; il veut qu’elle y soit révérée. Prouvez-lui votre reconnaissance et votre fidelité , par votre exactitude à en pratiquer les devoirs ; car quiconque n’observe pas sa religion , n’aime ni sa patrie , ni son prochain.

Donné en notre préfecture du Cap, le 8 Mars 1807, l’an quatre de l’indépendance,

CORNEILLE, préfet apostolique.

Au Cap , chez P.  R o u x , imprimeur de l’Etat.

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21 Mai 18074 Juin 1807

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