30 Novembre 1809

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Returning to its focus on exposing the so-called crimes of Pétion’s rival government in Port-au-Prince, this issue finishes with an acrostic poem spelling the last name of the poet and dramaturge, Antoine Dupré. Far from being an homage, the poem represents an attack on the character of this poet from the southern republic of Haiti, who is most well known for his celebrated poem, “Hymne à la Liberté” and his two no longer extant plays, Les Jeunes filles and La Mort de général Lamarre.

*Provenance:  Beinecke Rare Book and Manuscript Library at Yale University

(  N u m é r o   48.  )

GAZETTE OFFICIELLE

de

L’ É T A T   D ’ H A Y T I ,

Du  J e u d i   30  Novembre 1809 , l’an sixième de l’indépendance.

                                                                             

Chaque Peuple , à son tour , a brillé sur la terre.

Voltaire , Mahomet.

                                                                                                                                    

E T A T   D ’ H A Y T I.

                             

R  É  P  L  I  Q  U  E.

Monstrum horrendum et ingens , quo regnante, sociale fœdus jus vere datum sceleri et impia facta vel apud inferos ignota viguerê ! tu es iste vir , P e t i o !

Monstre insigne , effroyable ,  sous le règne duquel on a vu revêtir de formes légales un système épouvantable , vrai présent accordé à des scélérats , et commettre des forfaits inconnus même aux enfers, exécrable P e t i o n ! à cette apostrophe tu peux te reconnaitre.

                                                           

D a n s une des Feuilles rédigées au Port-aux-Crimes , en date du 11 de ce mois , se trouve une réponse scandaleuse à l’Invitation pastorale faite par S. E. le Préfet apostolique de l’Etat d’Hayti à ses Frères égarés , réponse que l’on a jugé à propos de revêtir de la signature d’un ecclésiastique , soit pour lui donner plus de poids et de crédit , soit pour mieux faire prendre le change sur le véritable nom de l’auteur. Le silence du mépris et l’exécration générale sont sans doute le digne partage de tout écrit fondé sur la mauvaise foi , l’imposture et une insigne perversité ; mais lorsque l’honneur et la vérité se trouvent tout à la fois attaqués et compromis , il est juste de combattre les impressions insidieuses que d’impudentes assertions pourraient faire sur des esprits crédules ou prévenus.

C’était trop peu pour une ligue sacrilége que d’avoir , depuis plus de seize ans , attiré sur ce pays tous les fléaux imaginables , il fallait , pour comble d’infamie , que la rage d’effrénés conspirateurs distillât sur notre auguste Souverain et sur le vénérable Pasteur qu’il a choisi , le fiel de l’iniquité et les poisons de la calomnie. Tant il vrai qu’un crime entraîne toujours un autre crime , et que dès qu’on s’est une fois écarté des bornes du devoir , il n’est plus d’excès auxquels on ne puisse se porter !

Quel emploi plus honorable pour un ministre des autels ! Quelle tâche plus conforme à la sainteté de sa profession et à l’esprit de l’évangile , que le soin d’inviter les cœurs à l’oubli des anciennes animosités , à la réconciliation , à la concorde et à la paix ? C’est pourtant en vue de rallier , sous le même étendard , les membres dispersés de la grande famille , dans le désir de les rappeler à la soumission dûe aux lois et à la seule puissance légalement établie , que ce respectable Préfet a adressé aux rebelles une épître qui ne respire qu’amour , tendresse et charité. Pour le récompenser de son zèle apostolique , une plume impie ose tourner cet écrit en ridicule , on ne rougit pas de donner une fausse interprétation à des paroles de paix et à des pensées aussi pures que le ministère saint qui les a inspirées. Non contens de profaner le sacré caractère du Pasteur qui leur montre charitablement le moyen

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de cicatriser leurs plaies , ces hommes endurcis et pervers se déchaînent contre l’autorité généreuse et bienfaisante de S. A. S. Monseigneur le President , ils voudraient anéantir ses éminentes qualités , et leur substituer les vices dont eux seuls sont infectés.

Que pouvait faire de plus , ce père indulgent et équitable , pour manifester ses bonnes intentions , sa loyauté , son amour pour la paix et le désir d’une sincère réunion ? Qu’a-t-on à lui reprocher ? Est-ce lui qui , à l’époque de l’assassinat de l’Empereur , a rassemblé dans un même endroit toutes ses forces disponibles , et en présence des troupes , a juré qu’il ne mettrait bas les armes que quand la nouvelle constitution , c’est-à-dire sa volonté particulière , serait parfaitement exécutée ? A-t-il, à la suite de cette déclaration authentique, pris à tâche d’embaucher les soldats , de soutirer les cultivateurs et de séduire les habitans qui se trouvaient sous la domination de Pétion ? Lequel des deux a exigé que l’enceinte de sa capitale fût le lieu des séances de la nouvelle assemblée , intrigué pour s’y procurer la majorité des voix , terrorisé , puis détenu des députés , et enfin provoqué la journée du 1er Janvier 1807 ? Qui des deux , en un mot , depuis cette époque , a fait les deux premiers pas vers le rétablissement de l’ordre et de la paix? Comment se fait-il qu’un homme que vous aviez préconisé dans vos proclamations , reconnu pour votre chef , et que vous brûliez de porter en triomphe sur vos boucliers , soit devenu tout- à-coup l’object de votre haine ; lui qui , après avoir ravi , aux combats , votre estime et votre admiration , a tendu une main compatissante aux vaincus, placé avantageusement divers officiers faits prisonniers les armes à la main , et enrôlé , dans différens corps , les soldats qui sont tombés en son pouvoir? Ne serait-ce pas un piége abominable que vos écrits astucieux auraient précédemment tendu à sa bonne foi, ou l’apparente immobilité de ce chef vous aurait-elle fait alors présumer qu’il se contenterait de n’être qu’un fantôme de prince , sous la nullité duquel vous pourriez réaliser vos prétentions exagérées ?  Avouez-le ; vous voilà démasqués ! et l’une ou l’autre de ces deux suppositions a été le véritable mobile de vos actions. Mais si un fol orgueil et une aveugle fureur de commander n’avaient pas fasciné vos yeux , vous vous seriez aisément apperçus que celui qui , par son grade, par de longs services rendus à son pays et par ses moyens moraux et naturels était appelé à gouverner ses concitoyens , ne pouvait ni ne devait céder à l’intrigue , à l’égoïsme et à l’oligarchie , une place que l’intérêt public et la voix générale le pressaient d’accepter.

Que ne peut l’injustice jointe à la duplicité , et où vous emporte le délire des passions? Après vous être déchaînés contre la puissance que vous redoutez et que vous êtes forcés intérieurement d’admirer ; vous avez l’impudeur de déifier le traître Pétion ; vous vous extasiez au seul nom de ce fourbe parvenu qui , dès 1792 , avait annoncé l’excès de son ambition , en conspirant , à la Croix-des-Bouquets , contre le général Bauvais , pour lui ravir le commandement ; vous élevez aux nues le partisan de cette infâme clique qui , aux fins de commander exclusivement , a arrêté à Jacmel , en 1791, et affligé d’une dure détention à St-Louis, le général Montbrun , le même qui vient de jouer un rôle brillant dans les armées françaises ; vous vantez le zélé sectateur d’une faction qui , partout où s’étendait son influence, n’avait jamais souffert qu’un de ses concitoyens d’un autre épiderme que le sien , parvînt au grade de général , et qui en 1795 , époque à laquelle le général Laplume fut promu à ce grade , frémissait de fureur et de désespoir , répandait l’allarme de tous côtés , en criant que tout était perdu ; vous citez arrogamment le membre d’une horde qui , en 1796 , a tendu des embuscades sur la route du général M. Besse , lequel ne s’était rendu aux Cayes que pour s’acquitter d’une mission pacifique , d’une horde qui , dans le même temps , a soulevé les troupes et le cultivateurs du quartier de Jacmel , pour mettre à mort le général A. Chanlatte , qu’on y avait envoyé pour cooperer au même but ; vous exaltez la candeur du perfide qui , dans la même année , a métamorphosé le troupes du Sud en autant de prétendus montagnards venant nuit et jour tirer , à Baynet , sur la garnison dépendante de

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l’autorité du général Beauvais ; vous célébrez la valeur du lâche officier qui , en 1799 , a déserté, à Léogane , le poste d’honneur qui lui avait été confié , au moment où le feu gouverneur général Toussaint Louverture allait le mettre au rang des officiers supérieurs de l’armée. Suivons ce vrai protée dans les diverses formes sous lesquelles il se reproduit , nous le reconnaîtrons partout où la discorde et la rebellion ont semé leurs fureurs ; à Jacmel , en 1800, il est un des plus acharnés à prolonger les horreurs de ce siége ; il y est vaincu , il se transporte aussitôt au Grand-Goave , et ce lieu est rendu le foyer de la guerre : en vain il est chassé de retraite en retraite ; en vain il fuit de ce pays , c’est pour bientôt y retourner , et devenir , à force de crimes , l’idole et le coryphée d’une secte qui , sous le règne de l’Empereur , a fait sourdement fermenter les élémens de destruction et de vengeance dont l’explosion devait être un jour si funeste , qui a massacré ce prince infortuné , et qui n’ayant pu faire subir à son successeur la même destinée , lui porte aujourd’hui une haine implacable. Hommes faux et mechans ! voilà pourtant quel est le pouvoir que vous encensez, et quels sont le conseillers et les amis qui l’entourent !

Il vous convient bien de supposer des horreurs pour les attribuer à notre chef , lui qui , par l’aménité de ses manières se concilie tous les cœurs , lui , dont la franchise et la grandeur d’âme sont remarquables , et qui se contente de n’être redoutable qu’au champ de d’honneur ! Ne vous souvient-il plus de vos nombreuses atrocités ? N’entendez – vous plus les cris des hommes innocens que vous avez étouffés au cachot à Jérémie ? Avez-vous enseveli dans un éternel oubli les gémissemens du respectable père Viriot , les lamentations des MM. Labuissonnière , Tiby , Sanlecq , Davezac , et de tant d’autres victimes de votre esprit de domination dont vous avez comblé le puits de la maison du sieur Davenne à Léogane ? Pour peu que vous fussiez jaloux de votre propre réputation , vous vous garderiez bien de réveiller aucun souvenir relatif à la révolution de ce pays.

Et quand bien même il serait vrai qu’irrités d’une rébellion trop opiniâtre ou poussés par le désir d’user de représailles , des soldats , à l’insçu de leur chef , auraient exercé les vengeances que vous citez ? A qui , hommes cruels et sanguinaires ! devez-vous vous en prendre ? Quoi ? quand vos bras , dès cette époque , déchiraient le sein de la patrie , quand vos cœurs méditaient sa perte , et quand vous joigniez les anneaux de cette chaîne abominable qui depuis a resserré si étroitement les ennemis de la liberté , ne fallait-il pas chercher à étouffer le monstre en sa jeunesse ? N’était-il pas juste de l’effrayer par des tourmens qui fussent égaux aux crimes?

Niez , si vous le pouvez , que la ligue d’aujourd’hui ne date pas son origine de l’époque de la révolte de Rigaud ; et quand vous le désavoueriez , tout démontre évidemment , comme nous l’avons déjà dit , que votre coalition n’est que l’odieuse réaction de ce système. En effet , l’union inaltérable qui a constamment régné entre vos compagnons d’armes , je veux dire entre ceux qui, comme vous , ont sans cesse luté contre les autorités légitimes , votre scrupule attention à ne partager qu’entre vous les richesses et les dignités de l’Etat , votre prompte exactitude à faire votre jonction dans le Sud , de quelque partie de la terre où vos forfaits vous avaient exilés , l’ensemble et l’harmonie qui ont de tout temps existé parmi vous , du moment qu’il s’agissait de quelque nouvel attentat , tandis qu’un froid mépris , l’éloignement de tout emploi , les persécutions de tout genre , la proscription , la mort même étaient ce que vous réserviez à ceux de vos frères qui n’avaient ni partagé vos complots , ni combattu le vertueux gouverneur général Toussaint Louverture , ni trahi et assassiné l’Empereur ; toutes ces preuves réunies vous condamnent , et appellent sur vos têtes la vengeance divine et humaine. Bourreaux impitoyables de vos concitoyens ! cessez de faire votre éloge et celui de votre chef ; cessez de lui promettre les bénédictions de la Divinité , et de dire effrontément qu’elle opérera cette merveille en sa faveur ; en réduisant cette phrase à sa juste valeur , nous ne pouvons la prendre que pour une dérision amère , car il serait effectivement miraculeux que le Dieu de

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justice et bonté portégeât les entreprises du perfide et du méchant.

Comme si cette réponse ne caractérisait pas assez le démon qui vous possède , vous avez cru devoir y ajouter quelques vers misérables du plus plat des rimailleurs , du sieur Dupré. Aussi n’est-il personne qui ne considère ce monstrueux plagiat comme le coup de pied de l’âne de la fable? Heureusement il s’adresse , non au Souverain malade , mais au Souverain radieux de santé, de force et de majesté. En vain ce franc original s’est efforcé de suivre , à la piste , la tournure d’idées et la construction de phrase d’une production légère du célèbre Boileau sur le fameux Santeuil ; il ne s’est pas moins égaré sur les pas d’un tel guide. Que dirait ce censeur sévère et judicieux , lui qui fronçait les sourcils de se voir si mal peint de son vivant , s’il était rendu à la lumière et se voyait aujourd’hui si cruellement mutilé ? Je crois le voir , à l’énorme hiatus qui sépare à jamais les deux hemistiches du sixième vers , reculer d’effroi , imiter les grimaces du poëte latin dont il a si bien plaisanté les contorsions et prendre la fuite en s’ecriant :

«  Gardez qu’une voyelle à courir trop hâtée ,

»  Ne soit en son chemin d’une voyelle heurtée  ».

B o i l e a u , Art poétique.

Attendri à ! ! ! Quel repos savant ! Que cette élision , de moderne fabrique , est douce à l’oreille ! Comme attendri à figure avec grâce au milieu d’un vers ! Mais que peut – on raisonnablement espérer d’un pitoyable histrion qui , las d’estropier tous les rôles tragiques , est venu s’exposer imprudemment aux ruades de Pégase ? il est du plus grand ridicule dans toutes les pièces , surtout dans Pygmalion , où tout en lui est si surnaturel ,

Qu’au théâtre chacun de surprise immobile

Convient , pour être juste envers cet histrion ,

Que si Pygmalion a su tuer D a i n v i l e ,

D u p r é  sait , de nos jours , tuer Pygmalion.

qu’il eût mieux valu peur ce singulier personnage , que plus fidèle à sa première vocation , il eût persisté dans l’utile emploi de raser les passans ! il eût été alors certain de faire la barbe au premier venu.

                                                                                                                                   

L’A N E   Q U I   P E R D   S O N   N O M.

m o n o l o g u e  a c r o s t i c h e.

De mon cœur , de ma voix , usurpateur superbe ,

Un fat m’ôte aujourd’hui ma gloire et mon renom.

Pourquoi donc m’envier et mes pleurs et mon herbe ?

Rien ne manque à ses vœux ; D u p r é  passe en proverbe ,

Et pour me désigner on prononce son nom.

Au Cap , le 20 November 1809 , l’an six de l’indépendance.

J u s t e   C h a n l a t t e.

                                                           

N É C R O L O G I E.

Le lieutenant – colonel Jean – François l’Espérance , ex-chef du 2e bataillon du 2e régiment , et commandant militaire de la paroisse du Quartier-Morin , est décédé le 16 de ce mois. Son corps a été transporté dans la capitale , et il a été inhumé avec toute la pompe et les honneurs dus à son grade.

C’était un officier dont le zèle et la fidélité étaient à toute épreuve ; il avait mérité l’estime et la confiance de S. A. S. Monseigneur le Président , dont il emporte les regrets au tombeau.

                                                                                                                                                           

A  V  I  S    D  I  V  E  R  S.

  1. Le navire anglais Clio , de Londres , capitaine Tolson , d’une marche supérieure et très-commode pour les passagers , partira pour ledit lieu sous peu de jours ; il prendra des passagers. S’adresser audit Capitaine , à bord ou à MM. D’Arcy , Dodge et Compagnie , négocians , place d’Armes.
  2. Le Public est prévenu de ne point faire crédit à l’Equipage du navire Lavinia, de Londres, commandé par M. William Flinman.
  3. M.  G o r i n g , négociant anglais , part pour Londres ; il invite ceux à qui il doit de se présenter pour recevoir leur payement , et ceux qui lui doivent de le payer , pour lui éviter le désagrément de les contraindre par la voie de rigueur.

                                                                                                                                                           

Au Cap , chez P. Roux, imprimeur de l’Etat.

23 Novembre 18097 Décembre 1809

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