6 Août 1807

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The final article in this issue commemorates the July 15th “fête” of Henry Christophe, “his Excellence, the President and Generalissimo of the forces of the Earth and the Sea.” The author of this article, Juste Hugonin, refers to Christophe as “the Hero of Haiti” and he finishes by proclaiming, “Vive Henry!….his “fête” will henceforth be our own, his conduct the lesson of the people, and his reign the pledge of our happiness.”

*Provenance: British Library

(  N u m é r o   14.  )

                                                                                                                                                           

GAZETTE OFFICIELLE

d e

L’ É T A T   D ’ H A Y T I,

Du  J e u d i   6  Août  1807 , l’an quatrième de l’indépendance.

                                                                             

Chaque Peuple , à son tour , a brillé sur la terre.

Voltaire , Mahomet.

                                                                                                                           

E  T  A  T    D ’ H  A  Y  T  I.

Fin des Réflexions sur le prétendu

S É n a t  du  Port-au-Prince.

M a i s  quel changement s’est opéré tout – à – coup dans cette assemblée ? le calme le plus profond a succédé aux discussions orageuses ; les sénateurs se lèvent et attendent , dans un muet respect , la présence de quelque personnage important. N’en doutons pas ; c’est lui , c’est l’infernal Pétion qui s’approche. Ses farouches satellites , la terreur qui le précède , l’horreur qui l’accompagne , ses pas précipités , tout leur a annoncé l’arrivée du tyran ; il paraît , s’arrête à l’entrée du sanctuaire. Là , dans l’attitude d’un homme prêt à tout entreprendre , il harangue les sénateurs en ces termes :

« Dignes soutiens de notre sainte confrérie ! Vous qui ne voulez que le bien de la

» République , et qui prenez à tâche de ne point différencier ses ressources d’avec les vôtres !

» Vous enfin pour qui qui les trésors de la patrie sont ouverts ! Ils ont fui loin de nous ces jours

» de prospérité et d’aveuglément , où les mortels abusés venaient se ranger comme d’eux-mêmes

» sous nos étendards. C’en est fait , le prestige est détruit , nos autels sont abandonnés. Un

» ennemi d’autant plus à redouter , que nous lui avons jusqu’ici porté des coups impuissans ,

» nous brave , nous menace , et s’apprête de nouveau à venir nous assiéger jusques dans nos

» murs ; vous le savez , d’autres circonstances , d’autres ruses de guerre : en conséquence , que

» votre féconde imagination trouve des inventions et des ressources toutes prêtes pour les

» diverses machines que je veux mettre en jeu ? La tempête s’élève , il faut la conjurer ; mais

» dans le cas où un accident imprévu viendrait à trancher le fil de mes jours ( ce dont mon étoile

» me préserve ! ) il est juste qu’à la veille d’encourir les hazards , j’assigne à chacun son poste

» respectif.

» Yayou prendra le titre de commandant en chef de l’armée , autant pour servir de manteau à

» ma politique , que pour m’éviter l’embarras où je pourrais me trouver en présence du chef des

» ennemis ; ce qui deviendrait une fâcheuse rencontre.

» Bonnet se fera précéder des fonds destines au payement de l’armée en activité , et sous le

» spécieux prétexte

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» de ne vouloir pas compromettre ce précieux dépôt , il trouvera le moyen commode et agréable

» de ne pas compromettre sa personne , en se tenant toujours à une honnête distance du danger.

» Daumec , dont l’odorat est fin , l’œil perçant et le jambes déliées , surveillera les

» mouvemens de l’ennemi , sur-tout ceux d’un certain homme , pour m’en aviser

» promptement , et ce pour raison à moi connue.

» Blanchet junior , se tenant toujours à mes côtés , jugera des coups , saisira l’occasion

» opportune d’endoctriner l’ennemi , de provoquer sa désertion , ou  d’exciter un soulèvement ;

» ce qui ne lui sera pas d’une difficile exécution , car il s’entend parfaitement à ce métier , ayant

» toujours abondante provision de perfidies à bouche et d’écrits incendiaires à la

» poche.

» David Trois commandera le poste avancé , et aura soin , en cas d’évacuation , d’y procéder

» aussi subitement qu’il a coutume de le faire , soit en recourant à ses stratagèmes

» usités , soit en mettant au jour les nouveaux expédiens que lui suggérera son imaginative ,

» qui s’est rarement trouvée en défaut.

» Le compère Jean – Louis Barlatier , portant en sautoir son violon , s’armera de son archet ,

» comme aussi de sa boîte de colophane ; ce musicien nous sera d’un grand secours pour valser ,

» lorsque les produits de notre industrie auront répondu à nos vastes désirs ; et s’il est vrai

» qu’Orphée sut autrefois , par les doux accords de sa lyre , attendrir les monstres des forêts et

» animer le marbre ; sans doute , aux sons harmonieux de son illustre rival , les pierres des

» forteresses ennemies s’écroulant d’elles – mêmes , nous en faciliteront l’entrée.

» Le frère Télémaque marchera accompagné des ustensiles et des approvisionnemens à

» l’usage des sénateurs ; il sera secondé dans ses augustes fonctions par notre ami Simon. Dans

» le cas cependant où une trop grande consommation de la part de ces deux préposés exigeraient

» de la surveillance , Gerin , le grand réformateur , fera et ordonnera , pour le bien de la

» communauté , ainsi qu’il en agit en son propre logis.

» Lamothe Aigron tâchera , par ses clameurs et ses bravades , d’épouvanter l’ennemi ; si ce

» moyen , avec lequel il s’est depuis long-temps familiarisé , ne lui réussit pas , il lui sera loisible

» d’aller reprendre son poste à l’ambulance.

» Depas Médina , qui n’a pas tout à-fait oublié son ancienne routine , sera chargé de rédiger les testamens et de délivrer les extraits mortuaires.

» Les fonctions de Théodat Trichet sont de fabriquer les proclamations , les ordres du jour et

» les divers actes émanées de notre toute-puissance.

» Je laisse le fameux Lys au Port-au-Prince. Selon sa louable habitude , il ne négligera pas , à

» la moindre alerte , de dépayer les meubles et effets qui pourraient embarrasser les citadins , et de

» les expédier pour l’entrepôt général ».

Ayant ainsi péroré , le héros [blank space the size of three to four letters] pénètre dans l’enceinte. Va-t-il siéger à sa place accoutumée ? Non : une violente contraction de nerfs l’a tout-à-coup arrêté , ses traits sont renversés , une fureur farouche étincelle dans ses yeux…. Dieux ! d’une main il agite un poignard ensanglanté , et de l’autre il saisit une torche !…. Sa raison est-elle enfin égarée ? ou un pouvoir vengeur s’est-il acharné à sa poursuite !…. L’œil hagard , la bouche écumante , il s’élance vers les murs , et y portant des coups redoublés ; il s’écrie : Que ne puis-je ainsi répandre tout le sang de nos ennemis !…. Bientôt il se retourne , s’avance , revient sur ses pas , s’avance encore , puis d’un son de voix étouffé : N’est-ce pas en ces lieux que les furies de l’enfer ont fait siffler

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sur ma tête leurs serpens odieux ?…. Oui , c’est bien ici ; je vois , je reconnais ce marais fongeux, où ma valuer embourbée ,…. et je survivrais à un pareil affront !.  Que me veulent-elles , ces effroyables Euménides ? Quoi ? elles me provoquent encore ?…. Des miroirs magiques sont en leurs mains , qui répètent par – tout mes anciens revers , ma défaite aux Gonaïves , ma déroute au Port-de-Paix , et ma chute prochaine…. Hé bien ! implacables Divinités ! accourez ; venez vous repaître de mon sang ; vous en êtes altérées ; il va couler à grands flots…. Quoi ? vous vous reculez…. Vous repoussez cette offrande , et mon sang est par vous mêmes un objet d’horreur?…. Je l’ai bien mérité ! Telle est , en effet , l’énormité de mon crime , qu’il est destiné à porter l’épouvante jusqu’au-delà du trépas.

Mais quel appel me fait Tisiphone ? D’un geste elle m’ordonne d’approcher , et frappe à grands coups la terre ; évoque-t-elle les ombres ? ou veut-elle me précipiter dans l’abîme éternel? Dieux ! ces voûtes s’ébranlent… Le tonnerre gronde… Sur qui va tomber la foudre ?…. Le voyez-vous ce spectre sorti tout-à-coup de la nuit du tombeau ?…. Il me nomme et m’adresse ces paroles : « Qu’as-tu fait de ton père ? Qu’as-tu fait de ton chef? Que réserves-tu à mon

» successeur ? Que sont devenus tes sermens , ton honneur ? Où sont ces enfans que mon cœur

» avait adoptés , et dont tu as opéré la ruine ? Tu pâlis !…. Tu chancelles !…. Et ta langue

» demeure glacée !..,.  Hé bien ! prépare-toi à expier tes forfaits ; au jour de la

» vengeance , qui n’est pas éloigné , je t’apparaîtrai de nouveau , et t’entraînerai , toi et

» tes perfides partisans , au lieu désigné pour votre supplice ». A cette terrible révélation , Pétion , le trop coupable Pétion , immobile , pétrifié , pousse de long sanglots et de profonds gémissemens. Bientôt il s’éloigne d’un endroit où le doigt d’un Dieu l’a si visiblement frappé , et court au fond de son palais cacher , s’il se peut , son trouble , ses remords et son saisissement ; mais vaines précautions ! il est là , il est dans son cœur , le trait empoisonné , il le porte par-tout , et Pétion est enfin convaincu que le repos et le bonheur ne sont nulle part pour le méchant.

A la disparution subite de leur chef , les sénateurs consternés , abandonnant précipitamment le lieu de leurs séances , maudissent l’instant où ils se sont associés au sort de ce frénétique , et vont chercher ailleurs , sinon à oublier le souvenir du fantôme qui vient de les épouvanter , du moins à s’étourdir sur l’arrêt fatal qu’il a prononcé ; mais c’est vainement qu’ils espèrent se soustraire à la vengeance divine . En tout temps , en tous lieux , l’image du spectre effrayant viendra s’offrir à leurs regards , toujours la sentence de mort retentira à leurs oreilles , jusqu’à ce qu’enfin la prédiction soit accomplie.

Après avoir saisi quelques traits caractéristiques de la majeure partie des membres composans le prétendu sénat du Port-au-Prince , il ne me reste plus qu’à donner connaissance à mes concitoyens des divers actes émanés de son autorité , à mesure qu’ils me parviendront. Puissent mes faibles efforts avoir atteint le but auquel ils tendaient , et confirmer l’opinion publique dans la juste indignation qui doit inspirer une corporation dont l’existence repose sur les débris de toutes garanties , de toutes vertus sociales !

                                                                 

V  A  R  I  É  T  É  S.

É P I T A P H E   D E   G É R I N.

Ci git maître Arpagon , pour la mort quelle aubaine ! Passans , pourquoi ces pleurs et ces De Profondis ? De son sort , mes amis , ne soyez point en peine : Il ira droit au Ciel , si l’on entre gratis.

[    54    ] [sic: misprinted page number should be “56”]

                                                           

Du Cap , le 5 Août.

Discours prononcé par le Commissaire du Gouvernement près le Tribunal civil de

la province du Nord , à S. E. le Président et Généralissime des forces de terre et

de mer , le 15 Juillet dernier , jour de sa Fête.

Quels concerts se font entendre de toutes parts ? On dirait , à voir ces couronnes , ces guirlandes de fleurs , ce séduisant ensemble, qu’un même intérêt a réuni les Citoyens, qu’un même sang coule dans leurs veines et qu’un même sentiment les guide ? Je ne me trompe pas , c’est aujourd’hui la fête du Héros d’Haïti , et ses vrais enfans s’empressent de la célébrer. Dans ces momens de commune allégresse , chacun de nous , se presse autour de l’idole que son cœur a choisie , croit , en faisant fumer l’encens sur ses autels , que c’est à son Patron particulier que s’adresse son hommage , tant son amour et son dévouement l’ont identifié avec la personne du premier Chef ! Ainsi , l’on vit autrefois un peuple fidèle et généreux entourer le modèle des Rois , et lui servir de marchepied pour monter à un trône dont une ligue sacrilège prétendait à jamais l’exclure. Ce grand homme , ce père du peuple , dont vous portez le nom , et dont vous faites revivre les vertus ; nourri , comme vous , dans l’adversité , forcé , comme vous , de tirer à regret son épée contre ceux dont il aurait voulu conserver les jours au prix de tout son sang , gémit , comme vous , du funeste égarement de ses sujets , et ne dut sa grandeur qu’à son courage ; mais cette frappante conformité , qui existe entre vous et le Héros de la France , répand dans le cœur de vos fidèles enfans , le baume de l’espoir et de la consolation. En proie , comme lui , aux fureurs des factions intestines , vous sortirez , comme lui , radieux et triomphant de cette lutte épineuse. Bientôt des fanatiques désarmés , éperdus , tomberont à vos pieds pour implorer cette clémence qu’ils savent être inséparable du cœur d’un Henry ; il s’apprête à luire ce jour glorieux pour les fastes d’Haïti , où les magistrats d’une ville rebelle vous en présenteront les clefs ; étonnés de lire l’attendrissement et la pitié sur votre front, où leur sentence devait être écrite , et la divine justice réserve à vos travaux ces précieux instans , où des frères égarés s’uniront à nous pour crier , dans la sincérité de leurs cœurs : Vive Henry ! Vive à jamais notre Chef légitime ! Il sut nous plaindre, nous vaincre et pardonner ; sa fête sera désormais la nôtre , sa conduite la leçon du peuple , et son règne le gage de notre félicité.

J U S T E   H U G O N I N.

                                                           

Discours prononcé à S. E. le Président et Généralissime des forces de terre et mer , lors de son entrée triomphante , le 29 Juillet , par le Commissaire du Gouvernement , au nom des Tribunaux de cette Province.

President  et  Généralissime ,

Les Tribunaux de la province du Nord partagent , avec les habitans de cette capitale , les sentimens d’allégresse qu’a fait naître dans tous les cœurs le retour de Son Excellence ; la trahison qui a eu lieu au Port – de – Paix ( à l’imitation de celle des Gonaïves ) vous a mis dans la nécessité de déployer les forces de cet Etat , pour repousser cette horde de brigands , vomie par  Pétion et ses adhérens ; Mars , le dieu des armées , a secondé vos armes , et ces monstres ont été terrassés ; la glorieuse campagne que Votre Excellence vient de terminer , fera époque dans l’histoire.

La Renommée publiera la gloire de l’armée , qui , dirigée par Henry le Grand , a si vaillamment combattu pour la vraie cause de la liberté et de l’indépendance, dont vous êtes le plus ferme soutien.

Les noms des braves qui se sont immortalisés dans les journées des 21 , 23 et 26 Juillet , seront transmis à la postérité a plus reculée. Daignez agréer , Président et Généralissime , les sentimens d’attachemens , de respect et d’admiration que vous nous inspirés.

                                                                                                                                                           

Au Cap , chez  P.  R o u x , imprimeur de l’Etat.

30 Juillet 180713 Août 1807

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