8 Octobre 1807

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This entire issue is essentially devoted to deconstructing statement’s from “the so-called Senate of Port-au-Prince.” The final resumé of Cardinal Maury’s speech is also included.

*Provenance: British Library

(  N u m é r o   23.  )

                                                                                                                                                           

GAZETTE OFFICIELLE

d e

L’ É T A T   D ’ H A Y T I,

Du  Jeudi  8 Octobre 1807 , l’an quatrième de l’indépendance.

                                                                             

Chaque Peuple , à son tour , a brillé sur la terre.

Voltaire , Mahomet.

                                                                                                                   

E  T  A  T    D ’  H  A  Y  T  I.

                             

Suite de la Réfutation de l’Adresse

du prétendu S é n a t du Port-aux-

Crimes , en date du 1er Juillet 1807.

« Les Sénateurs ont besoin de profiter de ce temps pour retourner au sein de leurs Familles

» et au milieu du Peuple , afin de connaître ses besoins et d’y subvenir lorsque le Sénat sera

» convoqué ; vous n’avez rien à craindre , Citoyens , pour votre Liberté , pendant l’ajournement

» du Sénat ; l’Homme que nous avons mis à la tête du Gouvernement vous est connu dans toutes

» les parties de notre Isle ; il a combattu pour la Liberté ; il ne souffrira pas que l’on

» conspire contr’elle ; le Chef du Gouvernement vit au milieu de vous , comme un père au milieu

» de sa famille ; il a le bonheur d’être du petit nombre de ceux qui ont traversé , durant quinze

» ans , toutes les tempêtes révolutionnaires , sans contracter aucune souillure ; il n’a rien ravi à

» à la Veuve ni à l Orphelin ; il n a jamais fait couler les larmes de personne.

» Citoyens! ralliez-vous donc à vos Lois et à votre Président , qui en garde le dépôt ».

 

Observation.  Qui ne s’apperçoit , en lisant ce passage , que ces prétendus sénateurs reconnaissent qu’il est instant d’aller se répandre parmi le peuple pour dresser de nouvelles batteries contre les progrès allarmans que font journellement la raison et la bonne cause ? Enfin la crainte de l’avenir , les terreurs , compagnes du crime , leur ont fait sentir leurs dards déchirans ! Ils voyent que ce n’est qu’à force d’intrigues et de perfidies qu’ils peuvent étayer l’édifice qui s’écroule. C’est peu que ces pestes publiques ayent cherché à fasciner les yeux de leurs concitoyens par des écrits artificieux , elles brûlent d’aller infecter de leur venin quiconque aura le malheur de les approcher , et leur âme contagieuse , morte depuis long-temps à tout sentiment de pudeur , voudrait envelopper l’espèce humaine dans son linceul de corruption. Tels on nous a peints autrefois les mauvais esprits palpitans d’allégresse à la découverte d’une créature innocente , et s’acharnans à sa perdition ; tels on voit ces serpens conjures , tressaillans de joie à l’approche d’une conscience pure , s’élancer sur leur proie , l’environner de leurs replis tortueux, jusqu’à ce qu’ils lui ayent inoculé le poison qu’ils recèlent ; mais ils ont beau chercher à farder la vérité  , elle nous est connue dans tout son jour ; cessez donc , vils prétendus sénateurs ! cessez de recourir à de vains subterfuges ; et dites ingénuement : « Hélas ! une main invisible

» s’appesantit sur nous ! Partout des murmures et des séditions annoncent notre ruine prochaine ! »            Il faut que nous quittions nos sièges sénatoriaux pour aller dans nos quartiers respectifs

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» aveugler les esprits , endormir les consciences et propager l’erreur ; ç’en est fait , notre éclat

» s’éclipse ; on commence à nous voir tels que nous sommes , et nous luttons en vain contre une

» autorité légitime. Que deviendrons-nous , si de pareils symptômes prennent un caractère plus

» effrayant ? Que sera-ce , si le Chef confiant et généreux que nous avons eu l’audace d’outrager,

» l’emporte sur nos efforts infructueux ? Ne tardons plus ; allons de nouveau électriser les

» esprits , abuser un peuple dont l’âme est neuve , par conséquent crédule ; faisons accroire à ce

» peuple que nous tremblons pour sa liberté , lorsque nous ne craignons que pour nos personnes

» et nos injustes privilèges , ne négligeons rien pour relever la réputation de notre Président ; car

» notre sûreté dépend de la considération qui lui sera attachée ; disons partout que c’est attenter à

» la vraie liberté , que de conspirer contre Pétion ; lui qui pendant 15 ans a donné l’exemple de

» l’hypocrisie, de la trahison et des fureurs liberticides ; lui qui n’a participé au massacre de son

» premier Chef , que parce qu’il n’était point un frère de poil ; lui enfin qui , armé

» aujourd’hui contre la seule Autorité légitime de l’Etat , ne cesse de courir à la perte de ses

» semblables , à la ruine de son pays et à sa propre chute ».

La Suite au Numéro prochain.

                                   

Fin de l’article du cardinal Maury.

Vous croyez , peut-être , que nous avons cité ce qu’il y a de plus fort et de plus scandaleux dans ce discours qui a tant fait de bruit. Vous vous tromperiez fort. Ecoutez , et vous conviendrez que , ni les évêques constitutionnels dans leurs méprisables mandemens , ni le sénat dans ses adresses à Buonaparté , ni Fontanes , ni Regnaud de Saint-Jean d’Angely , n’arrivent point à un pareil degré d’infamie. « Non , il ne reste plus dans l’univers qu’une seule réputation dominante ; et l’admiration , réduite au respect et au silence , ne trouve dans les annales des siècles passés , aucun nom qu’on puisse comparer au sien , devenu à jamais son plus grand éloge ».

Comparer Buonaparte à tous les grands hommes des siècles passés , cela paraissait déjà bien violent , bien révoltant ; mais le mettre , sans difficulté , au-dessus de tout ce qu’il y a de grand dans le monde , cela est vraiment nouveau. N’importe , l’oracle a prononcé ; pas un seul homme, passé ou présent , qui surpasse , qui égale même Napoléon.   Pas même cet Alexandre , qui , roi d’un petit royaume , et avec de très-petites forces , s’était fait , à 33 ans , le souverain de la plus grande partie de l’univers alors connu ; lui , dont le courage a passé en proverbe ; lui qui , à ce courage admirable , joignait des connaissances littéraires et les plus grandes vues politiques !

Pas même ce César , si noble dans ses manières , si éloquent , si intrépide ; lui qui , avec de petites armées , a fait si rapidement de vastes conquêtes sur des peuples qui savaient et voulaient se défendre ; lui qui a subjugué jusqu’à l’Angleterre , ce pays qui ne s’est jamais mesuré avec les troupes de Buonaparté sans les vaincre.

Pas même ce Titus , les délices du genre humain ; cet homme , dont on ne prononce point le nom sans le bénir ; cet homme , qui était aussi affligé , lorsqu’il laissait passer un jour sans faire du bien , que Buonaparté est affligé , lorsqu’il en passe un sans faire du mal .

Pas même ce Marc-Aurele , dont la mémoire a traversé avec gloire seize siècles entiers ; lui qui a mis en pratique les plus sublimes leçons du stoïcisme , lui qui méprisait le faste du trône , et n’en aimait que les devoirs.

Et pour parler des princes que le christianisme a formés , et qui ont été fidèles à ses lois divines , les Constantin , les Char-

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lemagne , les Alfred , les Saint-Louis , etc. tous ces héros que nous sommes accoutumés à révérer , tous ces hommes qui ont subi l’irrévocable jugement de la postérité , et qui en sont sortis glorieux. Quoi ! nul d’entr’eux n’est l’égale de Buonaparté ! Nous le demandons à l’orateur lui-même , est-ce là une simple exagération , une déclamation ? N’est-ce pas une vraie démence ? Et ce n’est pas un jeune homme de 20 ans qui a proféré cette phrase insensée ; c’est un sexagénaire ; c’est un homme revêtu de dignités imposantes et sacrées ; et il l’a prononcée un jour , où toutes ces paroles devaient , plus que jamais , être mesurées et pesées !

Nous voudrions finir ici le récit de tant de bassesses ; mais quel moyen de passer sous silence les phrases suivantes ?

« Je ne prétends pas pénétrer ici dans le sanctuaire inaccessible de son génie. »

« La suprématie de son talent aspire à toutes les conquêtes pacifiques. »

« Il est appelé à réaliser en France le beau idéal du gouvernement… , à donner au genre humain la mesure peut-être inconnue du génie sur le trône. »

Et que dire de cette  phrase ? Il continuera , d’année en année , de s’élancer par-delà les bornes connues de la vraie gloire ; par-delà nos espérances , s’il est possible ; par-delà même les fictions de l’opinion publique , toujours tentée de se croire parvenue au plus haut degré de l’enthousiasme , et sans cesse étonnée des merveilles imprévues , qui viennent encore l’exalter. »

En vérité , Monseigneur , patience m’échappe. Et n’en déplaise à Votre Eminence , vous vous êtes élancé au delà des bornes connues de la plus vil adulation ; et l’on ne trouvera point , dans les annales des siècles passés , un seul louangeur qui ait été aussi loin que vous , même en louant le plus féroce des tyrans.

Faut-il citer encore un passage ? Celui-ci est trop curieux pour être supprimé. C’est celui qui regarde Jérôme Buonaparté. Tout le monde sait que ce Jerôme , le dernier des frères de Napoléon, a été long-temps sans être reconnu. Il était dans les grades inférieurs de la marine , et on ne s’est jamais avisé de croire que ces grades fussent au-dessous de sa naissance et de ses talens , pas plus qu’on ne s’est avisé de croire , qu’en épousant une américaine , d’un rang subalterne , ce matelot corse eût dérogé à la gloire de ses aïeux. Quoiqu’il en soit , ce Jérôme , par la toute-puissance de son frère Napoléon , est devenu prince du sang impérial. On lui a composé une maison ; et dans cette maison est compris le cardinal Maury , en qualité d’aumônier de S.A.I. ; ce qui aux yeux du public , et surtout aux yeux du sacré collège , a passé , à juste titre , pour une dégradation. Que fait aujourd’hui ce cardinal pour couvrir cette humiliation , et pour la changer en illustration ? il fait de l’aventurier Jérôme , qui n’avait encore été loué par personne , si ce n’est par quelques gazetiers, et par le rédacteur des bulletins de la grande armée ; il en fait un grand prince et un grand homme. Pour faire une pareille métamorphose , il faut une certaine audace , aussi l’orateur académique n’en manque pas. Voici comment il s’exprime :

« L’empereur venait de me rattacher à la France , en me plaçant auprès d’un jeune prince , qui se montre en toute occasion , par sa magnanimité , ses talens , son activité , ses exploits , sa sagesse et son humanité , le digne frère du premier des monarques et des guerriers  »

Oh ! pour le coup , ce n’est point là le langage du prédicateur du roi ; bien moins encore celui de l’orateur de la tribune. C’est le ton abject et servile du valet à Jérôme.

Ce Jérôme , ayant eu une si grande part aux éloges du cardinal , qu’auraient dit

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ses frères , s’il n’eût parlé d’eux ? Lui auraient-ils pardonné ce injurieux silence ? Ils n’avaient pas à craindre un pareil oubli. Le tonneau de louanges , un fois ouvert , a dû inonder toute la famille. Mais encore , que dire sur cette famille obscure , méprisée , haïssable , dont l’élévation subite et violente , est le plus grand scandale de ce siècle ? Le récipiendaire de l’institut assure , que , par une circonstance très-singulière , tous les frères et toutes les sœurs de l’empereur ont été créés et mis au monde pour être rois et reines ; qu’ils ont tout juste ce qu’il faut pour cela , et qu’une couronne s’adapte merveilleusement à leur front. Faut-il en rire ou s’indigner ? Que chacun fasse comme il lui plaira ; mais le passage n’en est pas moins réel et existant. Le voici en toutes lettres : « Heureux et imposant accord de tant de hautes destinées , qui , en appelant au rang suprême la dynastie de ce héros législateur , n’ont mis dans la disposition de sa puissance les trônes et les peuples les plus propres à l’affermir , qu’après l’avoir environné d’avance lui-même d’une famille auguste et nombreuse , dont tous les membres se trouvent , par une singularité sans exemple , dans la plus parfaite harmonie , avec l’étonnante élévation de sa fortune et les progrès toujours croissans de sa gloire. »

Peut-être n’aurions nous pas eu le courage de remuer tant d’ordures , s’il n’en sortait une vérité importante. C’est que le parti , dont s’est détaché le cardinal , a peu perdu , en le perdant ; et que celui , auquel il s’est rallié , a peu gagné. Ce prélat , beaucoup trop loue , n’est aujourd’hui , n’a été , et ne sera jamais qu’une âme servile et vénale. Toujours il caressera la puissance dominante ; toujours il se pliera à toutes les circonstances. Il s’est attaché à Buonaparté pour conserver sa fortune d’Italie , et il l’a conservée. Il l’a voulu augmenter , et il l’a augmentée. Ses revenus ont grossi d’une pension de 3 [There is a black spot next to the number three the size of an “e,” but cannot tell whether it is a blackened letter or an ink spot.] mille liv. Le prince Jérôme peut occuper un trône aussi bien que ses frères Joseph et Louis. Alors l’éminence pourrait parvenir à quelque place distinguée pourrait parvenir à quelque place distinguée , qui lui donnerait influence et argent. Qui sait même si , par l’entremise de Napoléon , cette triple thiare , si peu désirable et si désirée , ne reposera pas un jour sur la tête du digne confrère de Caprara.

 

Dii talem avertite pestem.

 

      Heureusement , dans le dernier conclave, il n’a pas eu une voix , pas une seule voix pour la papauté , à moins que ce n’ait été la sienne.

Au reste , il faut dire un mot pour la justification du Cardinal. Il peut s’autoriser de l’exemple de Cicéron , qui , à l’âge de 61 ans ( c’est précisément l’âge de Son Eminence ) fit dans son oraison pro Marcello , l’éloge le plus fade et le plus pompeux de César , dont il était , peu de temps avant , l’ennemi déclaré. N’y aurait-il pas de l’injustice à attendre plus de vertu d’un membre de l’institut national , que d’un des plus grands hommes de l’antiquité? Cicéron fit même quelque chose de pis. Deux ans après , César ayant été assassiné , il fit publiquement l’éloge de ses assassins , se reprochant de n’avoir pas partagé leur gloire. Attendons encore deux ans , pour voir si Son Eminence sera exposée à la même tentation ; mais n’attendons pas vingt-quatre heures , pour assurer qu’exposée à la même épreuve , elle y succomberait , et imiterait fidèlement cette action , qui n’est par la plus belle de l’orateur romain.

                                                                                                                                                           

A  V  I  S    D  I  V  E  R  S.

  1. M. Pierre Martin prévient qu’il ne fait plus d’affaires avec M. Narcisse Robert depuis le 1er Septembre dernier.

                                                                                                                                                           

Au Cap , chez P. Roux , imprimeur de l’Etat.

1er Octobre 180715 Octobre 1807

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